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delbœuf. — logique algorithmique

Voilà le premier postulat démontré dans sa nécessité et sa légitimité.

En second lieu les choses ne se présentent pas en dehors de moi comme isolées, indépendantes ; au contraire, elles sont modifiées chacune par la présence des autres. Soit, par exemple, une chose en soi ; dans l’univers elle n’existe pas comme chose en soi, comme chose inaltérée, mais elle est dissimulée dans des combinaisons variées. C’est ainsi que l’oxygène n’existe pas en soi ; il est disséminé dans l’air qu’on respire, combiné dans l’eau avec l’hydrogène, dans l’acide carbonique avec le carbone, etc. Et même quand, par des procédés chimiques, on l’enferme sous une cloche, il y est encore soumis à la pression atmosphérique, à la température de la cloche, aux vibrations extérieures qu’elle reçoit, etc. Bref, la chose m’apparaît sous des formes diverses qui sont des fonctions de et d’autres choses en soi également inconnues. Représentons l’ensemble des choses, autres que par Y, on peut dire que je vois dans des phénomènes divers qui sont des fonctions de et de Y, et qu’on peut représenter par etc. Je me propose maintenant de dégager de ces fonctions multiples. Le problème est-il susceptible de solution ? Je n’en sais rien ; mais il est une chose que je sais pertinemment, c’est qu’il ne l’est pas, si cet ne peut pas être considéré comme restant identique à lui-même dans toutes les combinaisons où il entre, si par exemple je ne puis pas affirmer que l’oxygène, une fois extrait de l’eau, est le même qui se trouvait dans l’eau, bien que tous ses caractères apparents soient changés. En d’autres termes, mon esprit demande à pouvoir regarder certaines différences comme accidentelles, et la chose en soi comme douée d’une substance permanente à travers ses accidents. C’est ce qu’exprime le second postulat : On peut poser comme identiques les résultats de l’abstraction des différences[1].

Passons au troisième point. Voilà cet dégagé des équations où il était enfermé ; je suis arrivé à me faire une certaine idée de ce que peut être l’oxygène en soi. Cet oxygène jouit de certaines propriétés qui sont les diverses manières dont il se comporte en présence d’autres corps ; ses propriétés sont donc, peut-on dire, en nombre infini. Cela veut-il dire que, pour m’assurer que tel gaz renfermé sous une cloche est de l’oxygène, je doive constater qu’il jouit de toutes les propriétés de l’oxygène ? Non ; j’admets qu’il existe une connexion intime entre elles, et que l’une d’elles, bien constatée,

  1. En algèbre la solution des équations simultanées repose sur la supposition que les mêmes inconnues y ont la même valeur.