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delbœuf. — logique algorithmique.

et chercher à le résoudre, est déjà un acte de pensée, c’est déjà reconnaître implicitement la validité de la pensée ; la question que l’on se pose revient à ceci : Avant de penser, assurons-nous (par la pensée) si nous pouvons penser.

Quelque solution que l’on donne au problème, qu’elle soit positive ou négative, il est de fait résolu affirmativement, puisqu’elle se fonde implicitement sur la légitimité de la pensée. En d’autres termes, quand la raison se révoque en doute, elle joue une véritable comédie dont elle ne peut être la dupe.

C’est ainsi que s’explique cette illusion perpétuelle, mais inévitable, qui fait qu’à chaque instant nous croyons posséder la vérité.

La certitude objective n’a pas de critérium, mais on croit à tout moment la tenir, parce que, pour en désespérer à jamais, il faudrait que la raison doutât toujours d’elle-même, ce qu’elle ne fait jamais sérieusement. Aussi elle repousse ce doute, d’ailleurs tout spéculatif, qui la met en désaccord avec elle-même, et qui la réduit au néant.

La conviction de l’homme est formée du moment que toute contradiction cesse dans son esprit, en d’autres termes, du moment que sa raison est en tout d’accord avec elle-même. Ce critérium de la certitude subjective, tout subjectif lui-même, la raison le transforme en un critérium objectif. De sa nature, il n’est jamais que provisoire, puisque l’accord constaté aujourd’hui, peut ne plus exister demain.

L’hypothèse fondamentale de la logique, ce que nous avons appelé ailleurs le postulat de la raison, peut donc s’énoncer comme suit :

Un système scientifique d’accord avec lui-même dans toutes ses parties, est vrai.

Il faut entendre par toutes les parties du système, tant les observations que les déductions, et les expériences qui s’y rapportent.

À proprement parler, on devrait dire qu’un semblable système s’impose à la raison ; question de mots : ce qui s’impose à la raison est admis par elle comme nécessairement vrai.

De cette hypothèse découlent trois corollaires.

I. — Une proposition est (admise comme) vraie, quand l’ensemble des propositions qui s’y rattachent comme prémisses ou comme conséquences, ne renferme aucune contradiction.

Par conséquent l’évidence, loin d’être un critérium, est un résultat.

II — La certitude objective, et, par suite, l’évidence absolue, est impossible.

L’ensemble des prémisses ou des conséquences d’un système n’est jamais complet ; on tend vers la certitude absolue, mais on ne l’atteint jamais.