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des choses ? Qu’est-ce qui autorise la substitution du lien logique au lien réel ? Telle est la troisième et dernière question que l’on peut se poser à propos de la science en général. À ces questions, nous allons répondre.

Ces trois questions sont elles-mêmes soumises à un problème préalable, que nous avons rencontré sur notre chemin dans les premières pages de cette étude : Quelle est l’origine et quelle est la nature de la certitude ? Car, si la certitude n’est pas possible, il est bien inutile de se poser des problèmes et d’en chercher la solution. Il a déjà été dit (à la fin du paragraphe III), qu’il faut distinguer la certitude objective de la certitude subjective.

La certitude objective, raisonnée, absolue, est une chimère ; la certitude subjective, intime, pratique, ou, si l’on veut, la conviction, la foi, la ferme assurance, est un fait nécessaire.

Établissons ces deux points en peu de mots. Que l’on ne puisse atteindre la certitude scientifique, ou, en d’autres termes, qu’il n’existe pas de critérium absolu de certitude, de critérium qui me permette de distinguer une idée fausse d’une idée vraie, une idée conforme à son objet, d’une idée qui ne lui est pas conforme, cela résulte de cette simple considération, que le seul critérium naturel est l’objet lui-même, et l’objet ne m’est malheureusement connu que par l’idée que je m’en fais ; et, si je veux remplacer ce critérium naturel par un critérium artificiel, je dois d’abord m’assurer qu’il peut remplir le même office, ce qui est radicalement impossible.

Nous pouvons donc formuler notre conclusion en ces termes :

La recherche d’un critérium absolu de certitude ne peut aboutir, attendu qu’au nombre des données du problème figure, à titre de quantité connue indispensable pour le résoudre, précisément une quantité inconnue, à savoir, l’objet réel.

Voilà le premier point justifié. Il n’est pas plus difficile de prouver le second.

Puisque l’homme cherche un critérium de certitude, c’est qu’il se regarde comme obligé de mettre sa pensée d’accord avec la réalité, car une pensée qui ne remplit pas cette condition, n’a pour lui aucune valeur. Par conséquent, avant de penser, il veut s’assurer s’il lui est possible d’établir cette conformité nécessaire. Dans les termes du problème figure donc une croyance, toute subjective, il est vrai, dans la présence en nous d’un phénomène appelé pensée, dans l’existence d’une réalité en dehors de nous, dans la possibilité d’un accord entre la pensée et la réalité, car on ne recherche pas ce que l’on considère comme impossible. Dans le problème, on se demande si cette croyance est légitime ; mais se poser un problème