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delbœuf. — logique algorithmique.

proposition n’est que probable. Or cette conclusion répugne à l’esprit humain ; il éprouve un invincible besoin de se reposer quelque part. Laissons pour le moment cette objection de côté. Nous montrerons tantôt que toute certitude, au point de vue subjectif de la conscience, est absolue, mais qu’au point de vue objectif, elle est toujours incomplète, réservée, provisoire, comme il convient à toute assertion qui repose sur l’expérience.

IV. — Classification des sciences d’après leur objet.

Il y a lieu de rechercher maintenant d’où dépend le plus ou moins de développement d’une science. Il est naturel de l’attribuer au degré de simplicité de son objet. Pour justifier cette manière de voir, il suffit de classer les sciences sous ce point de vue. L’on se convaincra en même temps que l’objet de toute science est nécessairement abstrait.

Toutes les sciences ont pour objet l’univers et ses êtres ; mais ce qui constitue leur caractère propre, c’est leur manière d’envisager les êtres réels dont elles s’occupent. Ils sont d’autant plus compliqués qu’elles y remarquent plus de qualités, c’est-à-dire, qu’elles signalent entre eux plus de différences. L’objet de la science sera réduit à sa plus simple expression lorsqu’on supprimera par la pensée toutes les différences entre les choses, lorsqu’on les considérera toutes comme égales. Elles deviennent dans ce cas des unités. Les groupes d’unités sont les nombres, et l’arithmétique sera la science des nombres. Notons déjà que le nombre est une idée plus complexe que la simple pluralité ; le nombre suppose un groupement, et les groupes, étant différents, donnent lieu à des comparaisons dont les résultats sont énoncés comme propriétés des nombres. Quand je dis d’un panier composé de pommes, de poires et d’oranges qu’il contient vingt fruits, je regarde tous ces fruits comme des unités égales en faisant abstraction de toutes leurs différences. Le nombre est essentiellement discontinu.

Si de l’idée d’un nombre je passe à celle d’un nombre en général, j’obtiens celle de la quantité. La quantité algébrique n’est au fond qu’un nombre dont l’unité n’est pas déterminée, et qui peut être grand, petit, fractionnaire ou incommensurable. Par cela même la quantité est continue. L’univers algébrique se compose de parties égales, ou de groupes inégaux, mais censés convertibles en parties égales. Je dis censés convertibles, car deux quantités données n’ont