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Paul REGNAUD. — ÉTUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE

pas à celui-ci de perdre de vue l’objet à atteindre, c’est-à-dire la notion de l’unité de l’être.

La réflexion est définie comme étant « la pensée s’appliquant sans interruption à l’être unique à la suite de la leçon orale dont il a fait l’objet, avec des considérations conformes au Vedânta[1] ».

La contemplation « est le courant homogène de l’intelligence qui a pris la forme de (ou qui réfléchit) l’être unique dégagé de l’idée hétérogène de corps ou de toute autre semblable[2] ».

Quant à la méditation, elle est de deux sortes : celle où l’on tient compte encore de la distinction du sujet et de l’objet (savikalpaka), et celle où l’on ne s’aperçoit plus de cette distinction (nirvikalpaka).

La première consiste dans a un état durable où les modifications de la pensée qui ont pris la forme de l’être unique n’ont pas en vue l’extinction de la différence entre le connaisseur et (l’objet de) la connaissance, etc.[3] ».

La seconde est au contraire a un état durable où les modifications de la pensée qui ont pris la forme de l’être unique ont en vue l’extinction de la différence entre le connaisseur et (l’objet de) la connaissance, avec parfaite unification (de l’être et de l’intelligence qui le comprend)[4] ».

Dans tous les cas, on le voit, la pensée ne peut plus s’écarter du but vers lequel elle est dirigée. D’ailleurs, l’orthodoxie repose sur des textes précis et considérés comme sacrés ; l’intelligence n’a plus la liberté de ses mouvements, et la doctrine vedântique, après avoir exercé longtemps les facultés créatrices et organisatrices de l’esprit humain, en est arrivée désormais à les rendre inutiles et tend à les anéantir. C’est le résultat auquel aboutissent fatalement les systèmes fondés avant tout sur la tradition devenue le véhicule de conceptions dogmatiques ou mythiques à l’origine. Le vedântisme était dans ce cas et l’on ne doit pas s’étonner s’il produisit de telles conséquences après mille ans de spéculations de moins en moins originales et de moins en moins libres.

(À continuer.)

Paul Regnaud.
  1. Mananam tu çrutasyâdvitîyavastuno vedântânugunayuktibhir anavaratam anucintanam.
  2. Vijâtîyadehâdipratyayarahitâdvitîyavastuni tadâkârâkâritàyà buddheh sajâtîyapravâho nididhyâsanam.
  3. Tatra savikalpo nâma jñâtrjñânâdivikalpalayânapekshayâdvitîyavastuni tadâkârâkâritâyâç cittavrtter avasthânam.
  4. Nirvikalpas tu jñâtrjñânàdibhedalayâpekshayâ advitîyavastuni tadàkâràkàritâyâ buddhivrtter atitarâm ekîbhavenâvasthànam.