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Paul REGNAUD. — ÉTUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE

consent volontiers à accomplir les deux premiers souhaits de Naciketas, fait des difficultés pour celui-ci. « Les. dieux eux-mêmes, dit-elle, ont éprouvé jadis des doutes à cet égard, car c’est une science difficile ; il s’agit de choses subtiles. Fais un autre choix[1] » Mais c’est en vain qu’elle insisté et lui offre en échange des fils et des petits-fils qui vivront cent ans, du bétail en quantité, des éléphants, de l’or, des chevaux, un vaste domaine, une vie aussi longue qu’il peut le désirer, tout ce qu’il y a d’exquis dans le monde des mortels, des femmes montées sur des chars, ayant avec elles des instruments de musique et que les hommes ne sauraient rencontrer nulle part, — tout en un mot, excepté les secrets de la mort[2]. Naciketas, dont la situation n’est pas sans analogie avec celle d’Hercule ayant à se décider entre le Vice et la Vertu, ne succombe pourtant pas à de telles tentations. « Non, répond-il, la vie, quelque complète qu’elle soit, est peu de chose ; garde pour toi les montures, les danses et les chansons ; ce n’est pas la richesse qui doit réjouir l’homme… Le désir que j’ai exprimé est le seul dont je veuille la réalisation[3]. » La Mort finit par céder et le reste de l’Upanishad est consacré aux enseignements qu’elle donne à son hôte sur la nature de l’âme suprême.

Dans la Mundaka-Upanishad l’entrée en matière n’est pas entourée de circonstances d’un intérêt aussi général que celles dont je viens de présenter l’analyse, mais en revanche elle est aussi décisive, que possible pour le point spécial qui nous occupe. On ne saurait, en effet, s’appuyer plus explicitement sur l’autorité de la révélation que ne l’ont fait les auteurs de cet ouvrage dans les versets suivants qui en forment le début.

« Brahma (masculin)[4], le premier des dieux, se manifesta comme l’auteur de l’univers et le gardien du monde. Il enseigna à Atharvan, son fils aîné, la science de Brahma (neutre) qui est la base de toute science.

« Cette science de Brahma, que Brahma avait enseignée à Athar-

  1. Devair atrâpi vicikitsitam purâ na hi suvijñeyam anur esha dharmah anyam varam naciketo vrnîshva.
  2. Çatàyushah putrapautrân vrnîshva bahûn paçûn hastihiranyam açvân, bhumer mahad âyatanam vrnîshva svayam ca jîva çarado yâvad icchasi… ye ye kâmâ durlabhâ martyaloke sarvàn kàmâmc chandatah prârthayasva, imâ râmâh sarathâh satûryâ nahîdrçà lambhanîyâ manushyaih, âbhir matprattâbhih paricârayasva naciketo maranam mànuprâkshîh.
  3. Api sarvam jîvitam alpam eva, tavaiva vâhâs tava nrtyagîte ; na vittena tarpanîyo manushyo… varas tu me varanîyah sa eva.
  4. Dieu mythologique et anthropomorphe qui fait partie de la trinité indienne et qu’il ne faut pas confondre avec Brahma (neutre), personnification, ou plutôt désignation philosophique et abstraite de l’âme suprême et universelle.