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À cet ordre de procédés démonstratifs se rattachent étroitement les exemples, les comparaisons et surtout les apologues dont on rencontre quelques ébauches dans les plus anciennes Upanishads. Le plus célèbre est celui de la lutte des sens et du souffle vital. Il en existe plusieurs versions peu différentes les unes des autres ; voici le résumé de celle de la Brih. Âr. Up. (6. 1, 1-14).

Les différentes facultés vitales, à savoir la voix, la vue, l’ouïe, l’organe de la pensée (manas), l’organe de la génération et le souffle vital (prâna) se disputèrent un jour sur la prééminence et vinrent trouver Brahma pour qu’il leur dît laquelle d’entre elles était la meilleure (vasishtha). C’est celle-là, leur répondit-il, en l’absence de laquelle le corps serait dans le plus mauvais état. Sur cette réponse, les facultés vitales, à commencer par la voix, sortent du corps chacune à leur tour pendant un an. Le corps est successivement muet, aveugle, sourd, eunuque et idiot, tout en restant en vie cependant. Mais quand vient le tour du souffle vital, aux mouvements qu’il fait pour partir, il jette un tel trouble dans les autres facultés qu’elles s’écrient : « Ne t’en va pas, nous ne pouvons pas vivre sans toi[1] ! » La conclusion désormais est facile à tirer : le souffle vital est le meilleur.

En fait de comparaisons proprement dites, la Brih. Âr. Up. (3, 9, 28) en établit une contre l’homme et l’arbre dont les détails sont originaux et les conclusions intéressantes.

« L’homme est, en vérité, pareil à l’arbre, au prince des forêts : ses cheveux (ou ses poils) sont (comme) les feuilles de l’arbre ; sa peau en est (comme) l’écorce extérieure ; de sa peau (entamée) jaillit le sang, comme la sève jaillit de la peau (entamée de l’arbre) ; quand il est blessé le sang coule, comme la sève quand l’arbre est blessé ; ses chairs sont (comme) les couches concentriques d’aubier ; l’écorce fibreuse est forte comme les tendons de l’homme ; ses os sont (comme) le bois intérieur (dur, par opposition à l’aubier) ; la moelle (des os de l’homme) est pareille à la moelle (de l’arbre). De même que l’arbre abattu repousse nouvellement de sa racine, de quelle racine repousse l’homme abattu par la mort ? Ne dites pas « de la semence », car cela (la semence) est produit par un homme

    ngàrah khadyotamâtrah pariçishtah syât tena tato’ pi na bahu dahed evam somya te shodaçânâm kalànâm ekâ kalâtiçishtâ syât tayaitarhi vedân nânubhavasy açâna. Atha me vijnâsyasîti sa hâçâtha hainam upasasâda tam ha yat kim ca papraccha sarvam ha pratipede tam hovâca. Yathà somya mahato’ bhyâhitasyaikam angâram khadyotamâtram pariçishtam tam trnair upasamâdhâya prâjvalayet (sic) tena tato’ pi bahu dahet. Evam somya te shodacânâm kalânâm ekà kalâtiçishtâbhût sànnenopasamâhitâ pràjvâlît tayaitarhi vedân anubhavasy annamayam bi somya manah.

  1. Ma bhagava ulkramir na vai çakshyâmas tvadrte jîvatum.