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penjon. — la métaphysique de j. ferrier

à ce traité de métaphysique avec les ouvrages fameux de Spinoza. On y trouvera sans doute aussi quelque subtilité ; mais l’originalité de l’œuvre est frappante, et l’auteur, dans l’appendice dont il a fait suivre sa troisième édition, n’a pas de peine à établir qu’il a tiré de son propre fonds toute sa théorie.

Que faut-il penser maintenant de ce système de métaphysique ? Est-il vrai, comme il est raisonné, et, pour employer les expressions mêmes de M. Ferrier, a-t-il gagné son procès ? Il nous semble bien que les propositions opposées aux théorèmes et qui expriment pour la plupart des opinions généralement reçues, sont ramenées à de véritables contradictions, et que les théorèmes s’imposent eux-mêmes à l’esprit comme autant de principes évidents ou rigoureusement démontrés. Le but, que l’auteur se proposait, se trouve donc atteint. Il nous paraît cependant que cet ouvrage a surtout une valeur négative, en ce sens que nous sommes plus frappés encore de la fausseté des contre-propositions que de la vérité des affirmations qui les remplacent. C’est assez l’ordinaire, du reste, et dans ce cas particulier, on trouvera peut-être que les démonstrations sont plus convaincantes que persuasives, et qu’il y a, dans toute cette suite de démonstrations mathématiques, plus de subtilité que de réelle profondeur. On dirait que tout le solide des choses, ou du moins ce que nous sommes habitués à regarder comme tel, s’évanouit pour ne laisser debout que de pures idées, une ombre de réalité.

C’est là, si nous ne nous trompons, la première impression que doit faire sur les lecteurs le livre des Institutions de métaphysique. La légèreté même et l’humour avec lequel cet ouvrage est écrit ajoutent encore à l’illusion, et on l’achève avec cette conviction que la métaphysique telle que la scolastique nous l’a faite est bien un tissu de contradictions et d’erreurs, mais sans trop savoir ce qu’il faut mettre à la place, ni même s’il vaut la peine de le savoir. L’éducation que nous avons reçue, nos habitudes d’esprit nous rattachent à ces vieilles théories sur l’être, là substance, les genres, et nous rendent tout au moins incapables au premier moment de trouver un point d’appui dans le système que l’on nous propose pour en tenir lieu. On comprend aisément que sir W. Hamilton, le maître vénéré de M. Ferrier, n’ait pas montré pour l’œuvre de son disciple, comme celui-ci l’avoue en toute franchise, un grand enthousiasme. Mais il est si difficile aux philosophes de s’entendre les uns les autres, de sortir, en quelque sorte, de leurs propres idées pour entrer dans celles des autres ! Il est douteux que notre auteur ait jamais trouvé, même dans son propre parti, dans l’école a priori,