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IV


Les deux premières parties des Institutions ont préparé le terrain, et nous pouvons aborder maintenant l’Ontologie, la théorie de l’être.

« Ce qui est réellement, ou, comme on dit ordinairement, l’existence absolue est ou bien, premièrement, ce que nous connaissons, ou, secondement, ce que nous ignorons ; ou, troisièmement, elle n’est ni ce que nous connaissons ni ce que nous ignorons. Il ne peut pas y avoir d’autre alternative. » La contre-proposition consiste simplement à affirmer qu’il n’y a que les deux premières alternatives ; elle exprime une vérité, mais une vérité qu’il faut démontrer et ne point admettre tout d’abord. Il n’y a pas de milieu, dit-on, entre savoir et ne pas savoir ; c’est, en effet, une des formes de la loi de contradiction ; mais les logiciens ont tort de la proposer sans restriction : elle ne s’applique qu’aux choses non contradictoires, ainsi nous devons ou connaître ou ignorer tout ce qui n’est pas contradictoire, parce que tout ce qui n’est pas contradictoire est connaissable, et dans ce cas il n’y a pas de milieu, comme on le fait remarquer. Il n’en est plus ainsi, lorsqu’il s’agit au contraire du contradictoire, de ce qui est absolument inconnaissable, car il n’y a alors, à proprement parler, ni connaissance, ni ignorance.

« Tout ce que nous ne pouvons ni connaître ni ignorer est le contradictoire. » Nous sommes, en effet, capables de connaître tout ce qui n’est pas contradictoire. Cette proposition sert simplement de transition pour arriver à la quatrième.

« L’existence absolue ou l’être en lui-même n’est pas le contradictoire. » Il n’y a, en effet, aucune absurdité à supposer une existence absolue. On peut donc démontrer cette proposition, mais ce n’est pas nécessaire. Toute science prend pour accordés ces deux points : 1° qu’il y a une vérité, 2° qu’elle n’est pas le contradictoire. La science n’est pas tenue davantage d’établir qu’il y a une existence absolue et que cette existence n’est pas le contradictoire : aussi n’y a-t-il pas ici de contre-proposition.

« L’existence absolue n’est pas ce que nous ne pouvons ni connaître ni ignorer. » Ce théorème résulte nécessairement des deux précédents : nous avons ainsi éliminé la troisième des alternatives qui s’étaient d’abord présentées à nous, et nous l’avons fait en suivant une méthode rigoureuse. Ce ne sont jusque-là que des propositions préliminaires ; nous arrivons au véritable point de départ de l’ontologie.