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penjon. — la métaphysique de j. ferrier

notre temps ; il est vrai que le même auteur le compare ensuite à « un obélisque solitaire dans la plaine immense et nue. » Mais cette appréciation fait assez voir quelle est l’importance de la doctrine que nous nous proposons d’exposer. Il appartient, ce nous semble, à une Revue aussi libérale que la Revue philosophique, de combler les lacunes qui se rencontrent encore dans l’étude des systèmes de philosophie, publiés à l’étranger. Or, il en est peu qui nous paraissent aussi dignes d’intérêt.

I.

Les Institutions de métaphysique, comme le titre l’indique, sont un traité de philosophie spéculative ou de métaphysique. Dans sa perfection idéale, la philosophie est un corps de vérités raisonnées. Tout système philosophique doit donc avoir la prétention d’être vrai et d’être raisonné ; de ces deux qualités, la seconde est la plus nécessaire ; il est possible, en effet, que l’homme ne puisse pas connaître la vérité, tandis que le raisonnement est toujours en son pouvoir, et ce qui lui importe le plus, c’est de cultiver sa raison. Un système, qui ne serait pas raisonné, n’aurait donc aucune valeur : il serait en désaccord avec la définition même de la philosophie, qui consiste dans la recherche de la vérité au moyen de la raison ; il ne pourrait être certain alors* même qu’il serait vrai ; enfin, il ne servirait en rien à la discipline de l’esprit. Un système raisonné, au contraire, vaudrait au moins comme exercice de la raison et s’accorderait mieux avec la définition de la philosophie.

Jusqu’ici les divers systèmes philosophiques ne sont pas raisonnes : ils ne sont pas composés ; du commencement à la fin, d’une chaîne ininterrompue de raisonnements. Les philosophes ont donc négligé de remplir le devoir le plus important qui leur soit imposé. Aussi n’y a-t-il pas de philosophie à proprement parler ; on s’attache aveuglément à telle ou telle opinion, et les philosophes ressemblent à des joueurs, qui joueraient ensemble à des jeux différents et prétendraient cependant gagner chacun la partie.

D’où vient cet état de choses et comment y remédier ? En réalité, les questions posées comme elles le sont jusqu’à présent, cachent d’autres questions qu’il faudrait d’abord résoudre. On s’imagine que l’on trouvera la vérité en allant toujours en avant, tandis qu’il faudrait plutôt revenir en arrière, aller non à la fin, mais au commencement. On ne découvre jamais les principes qu’en dernier lieu ; les choses les premières dans l’ordre de la nature, sont les dernières