Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
naville. — hypothèse dans la science

opinion, la présence de glaciers dans des lieux où il n’y en avait pas eu de tout temps, et 35 observations qui lui paraissaient établir qu’il y avait eu jadis des glaciers, là où maintenant on n’en aperçoit plus. M. de Charpentier combattit vivement les hypothèses de Venetz comme contraires à toutes les lois connues de la physique et de la géologie. En 1834, après treize ans d’études et de réflexions, il déclara loyalement avoir changé d’avis et accepter la nouvelle théorie. En 1837, Agassiz, jeune encore, mais connu déjà par des travaux importants, vient s’établir pour quelques mois auprès de Charpentier, persuadé que Charpentier était dans l’erreur, et se flattant de le ramener à des idées plus justes : bientôt il est gagné lui-même à la doctrine qu’il venait combattre. Telle est l’origine historique de la théorie actuelle des glaciers. Après avoir rappelé ces faits, dans un discours prononcé à la Société helvétique des sciences naturelles, le 21 août 1865, M. Auguste de la Rive s’exprima ainsi :

« Il nous paraît irrévocablement acquis maintenant qu’il n’est pas possible d’expliquer autrement que par l’existence de grands glaceciers, qui ont rempli jadis les vallées, le transport de ces masses rocheuses désignées sous le nom de blocs erratiques, qu’on trouve jusqu’à 1.200 et même 1.400 mètres de hauteur sur le flanc des montagnes qui bordent les plaines de la Suisse. »

Un jour peut-être les affirmations dés savants seront plus catégoriques encore. On ne dira plus « il nous paraît » mais « il est certain ». La théorie du transport des blocs erratiques par les glaciers sera si universellement admise, et paraîtra si naturelle, qu’on sera tenté de la prendre pour le résultat immédiat et direct de l’observation. On voit qu’elle fut à son début, non-seulement une hypothèse, mais une hypothèse dont la confirmation n’avait pas un caractère d’évidence immédiate, puisque l’idée nouvelle fut repoussée au début, en Suisse et ailleurs aussi, par quelques-uns des géologues les plus compétents et les plus illustres.

Les sciences médicales ouvrent un vaste champ à la recherche des causes. Un état maladif livre à l’observation un certain nombre de symptômes anormaux, de troubles dans les fonctions. Un ensemble de symptômes étant donné, la question, pour arriver à un traitement rationnel, est, si l’on suppose une maladie unique, de déterminer la cause générale des symptômes, c’est-à-dire l’antécédent dont le reste suit, selon les lois connues de la physiologie. Dans le plus grand nombre des cas, on est réduit à un traitement empirique, c’est-à-dire à combattre tels symptômes déterminés par des remèdes dont une circonstance quelconque a révélé l’efficacité. C’est