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Alexander main. — lois de la nature

mêmes conditions étant données, le même effet s’en suivra nécessairement : toute autre supposition renferme une contradiction. Car pour lui, l’effet n’est que le développement de sa cause ; et la cause elle-même est le total des conditions qui interviennent.

Ce ne sont là que des aspects différents d’une seule et même chose, des étapes différentes d’une seule et même évolution ; et par suite, affirmer que l’un des trois termes peut être dans les deux autres, c’est se contredire soi-même ; son principe est donc l’uniformité de la causation. D’un autre côté, le postulat de M. Bain est l’uniformité de la nature (expression fort vague, par laquelle il semble désigner le retour fatal des mêmes conditions). Il soutient que la seule raison que nous ayons pour nous attendre à la répétition des mêmes conditions est notre foi à l’uniformité générale de la nature : et supposer qu’elles ne se répéteront pas, cela n’implique point contradiction. Assurément un postulat de ce genre est appelé à rendre service tous les jours et à toute heure, et si c’était là tout ce que M. Bain prétend maintenir, M. Lewes ne mettrait nullement en doute sa proposition ; mais M. Bain va plus loin et met en avant cette attente habituelle (aussi souvent légitime que non) pour aider à poser les fondements de la certitude. C’est cette erreur que M. Lewes voit et veut mettre en évidence. N’est-ce pas, en effet, une contradiction manifeste dans les termes, que de parler d’un postulat comme fondement de la certitude ? Sûrement, ce n’est point une certitude que celle qui demande à s’appuyer sur une proposition que l’on ne fait qu’admettre. Une certitude doit avoir sa preuve en elle-même ; il faut qu’on la voie telle : son évidence doit être contenue dans le fait même de son appréhension. La certitude ne peut être fondée sur une base plus solide qu’une vérité nécessaire, dont la négation impliquerait contradiction. Or, le principe de M. Lewes rentre dans la catégorie des vérités nécessaires justement parce que les termes peuvent être résolus en une proposition identique. La nature n’est pas uniforme, dans le sens que M. Bain donne à ces mots ; car les conditions sont à jamais variables ; elle est uniforme dans le sens de M. Lewes, car les mêmes causes sont invariablement suivies des mêmes effets. Cette dernière certitude est la seule qu’on puisse atteindre ; mais c’est une certitude absolue, qui n’a pas besoin d’un postulat expérimental douteux pour la soutenir. La seule uniformité qu’on puisse légitimement attribuer à la nature est l’uniformité de relation entre la même cause et le même effet ; et l’on peut aisément montrer que l’expression de cette relation est une proposition identique, comme M. Lewes continue à le répéter avec une persistance qui est loin d’être superflue. Aucun de ses Problèmes de la vie et de la pensée n’est plus clairement discuté, ni plus important dans ses conclusions philosophiques que celui où il examine tout au long la question.

Arbroath (Écosse).
Alexander Main.