coup ont fondées sur elle, deviendrait une excellente méthode d’abêtissement. La Science détruirait la Science (p. 84-86). »
On peut faire, on doit même faire des réserves sur cette dernière assertion notamment, dont le ton trop absolu contraste avec la tendance habituelle de Renouvier, à montrer, au contraire, en tant de choses le relatif. Mais que de belles paroles, et que de fortes pensées dans ces entretiens suprêmes, où le philosophe réalise pour nous un de ses souhaits les plus chers, en nous donnant « comme une sorte de bréviaire pour tous les intellectuels qui n’ont pas sombré dans l’athéisme ; les intellectuels eux mêmes, ajoute-t-il, ayant plus que les autres besoin de religion (p. 8). »
La pensée antique de Moïse, à Marc-Aurèle, par J. Fabre (1 vol., Paris, Alcan).
M. J. Fabre a entrepris une œuvre de longue haleine, qui est d’esquisser l’histoire de la pensée humaine, de Moïse à Tolstoi. Écrivant pour ceux « a qui ne font pas métier de philosophes », il a écarté tout appareil d’érudition, et traduit librement les doctrines ; il avertit qu’il prête souvent à leurs auteurs des paroles plus claires que leurs textes, avec un respect scrupuleux pour l’idée. La pensée mène le monde, et son histoire éclaire celle de l’humanité. M. J. Fabre y voit le progrès de ces a trois idées, pierre angulaire de toute grande civilisation : Liberté, Devoir, Dieu » ; et voit déjà dans le xxe siècle se « concilier dans un esprit nouveau l’hellénisme, le christianisme et la Révolution : beauté, amour, justice ».
On reconnaît le généreux sentiment de l’homme, j’allais dire de l’apôtre, ou du poète qui a chanté Jeanne Darc en de beaux livres et un beau drame, qui a fait représenter un autre drame intitulé Jésus, et qui récemment donnait une traduction rythmée de la Chanson de Roland. Ici même, il ne résiste pas au plaisir de traduire en vers français les vers dorés de Pythagore, l’hymne de Cléanthe, etc. Et l’apôtre des idées morales ne peut se contenter d’exposer en historien la succession des doctrines. Il les juge à mesure qu’il les fait passer devant notre esprit, les glorifie ou les condamne, ou plutôt démêle en chacune sa grandeur et ses faiblesses. Ce volume reproduit, mais avec des développements qui lui donnent une autre ampleur, la première partie de l’Histoire de la Philosophie, composée sur le même plan et publiée en 1877 par mon ancien et excellent maître, dont je retrouve ici l’enseignement tout à la fois très clair et très animé, plein de vie et de chaleur enthousiaste. Qu’on lise en particulier les chapitres sur les Hébreux, sur l’Inde, surtout sur le stoïcisme et l’épicuréisme, l’agonie du paganisme, on y trouvera tout ce qu’il faut là-dessus pour l’instruction philosophique d’un « honnête homme » qui ne se soucie pas de l’érudition ; ils provoquent à