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rer le privilége que nous lui accordons de mesurer toutes les autres valeurs ? Enfin, l’expérience de tous les temps et de tous les lieux vient appuyer ma doctrine, et prononcer contre celle de M. Say, car, partout et toujours, on a mesuré la richesse sociale par le moyen de l’or et de l’argent.

« Une toise ou un mètre sont de véritables mesures, dit M. Say, parce qu’elles me présentent toujours à l’esprit l’idée d’une même grandeur. Fussé-je au bout du monde, je suis certain qu’un homme de cinq pieds six pouces, mesure de France, a la même taille qu’un homme de cinq pieds six pouces en France. Si l’on me dit que la grande pyramide de Ghizé a cent toises de largeur à sa base, je peux, à Paris mesurer un espace de cent toises, et me former une idée exacte de cette base ; mais si l’on me dit qu’un chameau vaut au Caire 50 sequins, qui font environ 2,500 grammes d’argent, ou 500 francs, je n’ai pas une idée précise de la valeur de ce chameau, parce que les 500 francs d’argent valent indubitablement moins à Paris qu’au Caire, sans que je puisse dire de combien ils sont inférieurs en valeur[1]. »

N’en déplaise à M. Say, une livre d’argent, une once d’or, sont de véritables mesures, tout aussi bien qu’une toise ou un mètre, et cela, par la raison bien simple et que j’ai déjà exposée ci-dessus, qu’une livre d’argent et une once d’or présentent toujours à l’esprit l’idée d’une même grandeur, c’est-à-dire l’idée d’une valeur peu de chose près la même. Je ne nie pas, il est

  1. Traité d’Économie politique, 5e édition, t. II, page. 86