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que la valeur est une grandeur appréciable ; il parle très positivement de la mesure de la valeur, qu’il ne regarde point, ainsi que M. Say, comme une entreprise chimérique, et il s’occupe même de lui trouver un terme de comparaison. Jusque là on ne peut qu’applaudir à la justesse de vues d’Adam Smith ; il faut bien rendre justice à la rectitude de son instinct. Mais cette première inspiration du philosophe écossais a été complètement compromise par la nature même de la mesure que Smith a cru devoir adopter. Et en effet, Adam Smith s’est malheureusement imaginé que le travail était la véritable mesure de la valeur. Il est difficile de comprendre comment Adam Smith a pu se faire illusion, ne fut-ce qu’un instant, sur l’évidente impropriété d’une pareille mesure. Certes, s’il y a au monde une valeur variable, une valeur essentiellement et prodigieusement variable, c’est le travail ; et de toutes les valeurs qui se présentent autour de nous, il n’y en a pas de plus impropre à nous fournir un terme de comparaison. Aussi la doctrine de Smith, à ce sujet, n’a pas fait fortune. Elle a été unanimement repoussée par tous ses successeurs. Il n’y a que M. Garnier, son traducteur, qui se soit cru obligé de la soutenir. Quant aux autres disciples d’Adam Smith, je le répète, ils ont tous abandonné et combattu leur maître, sur cette partie de sa doctrine, et, selon moi, ils ont eu complètement raison. Mais, d’un autre côté, ils ont eu le tort d’aller trop loin. De ce que la valeur ne se mesure point par le travail, ils n’auraient pas dû conclure, ce me semble, qu’il n’y avait aucun autre moyen de la mesurer. C’est pourtant là qu’ils en sont tous venus.