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beaux sites autrichiens chez le second. Quant à ses triomphants finales, conclusions merveilleuses de l’œuvre total, qui reçoivent toute leur signification de l’ensemble, M. Max Morold leur a consacré une importante étude dans le second des numéros spéciaux que la belle revue berlinoise Die Musik a consacrés au Maître ; nous y renvoyons les curieux. De son côté, M. Marcel Montandon vante « les motifs colossaux qu’il échafaudait dans ses finales à deux, trois ou quatre étages ».

Chose digne de remarque, c’est l’abus que nous faisons tous du nom de Beethoven dès que les enthousiastes parlent de Bruckner ou de Brahms ou de Wagner. Si tous trois sont également fils de Beethoven, ils ne sont point de la même mère ! Et l’on pourrait facilement démontrer que la musique de Wagner applique l’éducation reçue de Beethoven à la sensualité la plus violente ; Brahms, à la plus sèche abstraction ; Bruckner, au plus beau, au plus noble enthousiasme de l’âme, éprise de son créateur, et cherchant sa louange dans la création entière. Wagner, en composant, apaise et excite ses propres passions ; Brahms se complaît à son érudition, décharge sa mauvaise humeur et pédantise ; Bruckner prie, adore, pleure et rit dans la main de Dieu et s’entretient de sa création avec lui dans la seule langue qu’il sache. Il lui confie tout : la lutte et les rancœurs, comme son amour et le bonheur qu’il éprouve à aimer ainsi ; et qu’il trouve le printemps exquis cette année et que les églises pleines d’encens sont traversées de prismes lumineux aux irisations miraculeuses, et qu’à l’auberge du village, les paysans dansent des laendler bien rythmés de coups de talon et de claquements des mains sur les cuisses. Et il passe ainsi sans transition des plus hautes contemplations de sa foi sereine aux plus familiers détails de la vie provinciale, et l’œuvre s’anime dans toutes ses parties, se fait la mouvante, la vivante cathédrale plus ou moins fleurie et pleine d’oiseaux enchantés qu’est toute symphonie. Jamais plus d’air, plus de lumière, plus de liberté et plus d’aisance n’étaient entrés dans cette forme qui permet tout aux génies et n’entrave que les médiocres.

M. Rudolf Louis seul a la tendance de faire de ces neuf symphonies un bloc à part dans toute l’histoire de la musique : c’est