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réconfort qu’en Dieu ; et voici que, pour ce grand croyant, semble déjà se justifier définitivement une parole qu’il connaissait bien, sans avoir l’orgueil de se l’appliquer, sur celui qui s’élève et sera abaissé, tandis que se relèvera celui qui fut humilié.

On sait les objections que fait la jeune école française et les critiques légitimes d’un Pierre Lalo, par exemple, à la musique de Brahms. Et voici les nôtres : elle sent trop souvent le renfermé. Elle ouvre, sur des vieux livres, de vieilles partitions, des jours de scoliaste et de rat de bibliothèque. Quand elle est personnelle et impulsive, elle exprime un caractère ombrageux et vindicatif, les passions et la disgrâce d’un homme taciturne, bourru et laid. La joie sublime qu’un Beethoven, également laid, bourru et taciturne, tirait comme Bruckner de la satisfaction de sa conscience et de la contemplation de la nature, Brahms ne la connaît pas. Il oublie rarement qu’il est docteur et professeur. Il bougonne et ratiocine et potasse en chambre. Il est peut-être nécessaire cependant de traverser son œuvre pour passer à celle de Bruckner. On y trouvera le plein soleil avec ivresse, l’enchantement d’une âme franciscaine en présence des beautés de la nature autrichienne ; on y trouvera l’inspiration ininterrompue d’un qui se cherche en son âme et le long des sentiers fleuris au lieu que dans les livres et les rues. Il y a quelque chose d’universitaire et de prussien en Brahms ; on dirait aussi en France qu’il a le style normalien. Bruckner est ivre de plein air, d’arôme de la forêt et de chants d’oiseaux. Il a le badinage énorme et délicat du moyen âge avec les couleurs modernes. Il est le fils direct de Beethoven ; lorsqu’on parle de l’un, presque tout ce qu’on en dit peut s’appliquer à l’autre : Beethoven gardant pour lui le supplice de la surdité et de son amour dédaigné ; Bruckner, sa foi intense, sa bonne grâce inoffensive et son amour absolu placé en Dieu. Il est le fils direct de Beethoven, oui ; et il est incontestablement le père de Mahler. Mais il fut un saint, je le répète, et dans tout l’œuvre cela se sent. Et c’est à ce parfum-là, comme on le verra, que l’adversaire se hérissait et immédiatement fonçait sur l’admirable innocent, le reine Thor, le Parsifal de la musique.

Lorsqu’il mourut, à l’âge de soixante-douze ans, le 11 octobre 1876, à Vienne, dans cette dépendance du Belvédère où la