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sons musicales qui sont l’usage de l’Autriche en pareil cas. Un an plus tard il avait disparu à son tour, sa fin ayant été hâtée par sa goinfrerie. Alors on vit se produire ce que tous les spectateurs sincères et impartiaux de ces deux vies avaient prévu. On rendit des honneurs énormes. Un temps on ne parla plus que de Brahms ; l’Allemagne d’après Wagner l’adopta pour son grand homme musical… Puis, tout à coup, tantôt ici, tantôt là, on vit apparaître toujours plus fréquent le nom de Bruckner ; des chefs d’orchestre très malins, comme Sigismond de Hausegger ou Georges Schnéevoigt, se plurent à assembler à certains concerts une symphonie de Brahms et une de Bruckner, et c’était comme un tableau d’Ingres et un de Delacroix affrontés. Puis bientôt l’invasion du nom de Bruckner fut si irrésistible, qu’aujourd’hui le seul fait de n’avoir pas écrit de concertos et de sonates qui puissent faire valoir des solistes, comme Brahms de qui l’on a deux concertos de piano, un de violon, un de violon et violoncelle et plusieurs sonates pour piano et piano et violon, permet encore de dire que Brahms est plus joué que Bruckner. Or cette année, qui a apporté avec le 11 octobre le dixième anniversaire de sa mort, est plus que jamais favorable à l’étude de ses neuf symphonies. Berlin donne la IVe et la VIIIe, Lubeck la IXe, à Munich, Schnéevoigt a donné la IIIe et donnera les Ve et VIe, Mottl a donné la grand’messe en fa mineur et donnera la IIe ; Prague aura la VIIe, et Vienne a consacré au vieux Maître le premier concert de la saison en entier[1]. Notez que je n’annonce là — et je me cite d’une autre revue à laquelle j’ai procuré cette information — que ce dont la rumeur est venue à mes oreilles. Ainsi plus se fatigue la renommée de Brahms, le rival heureux et mesquin, qui en est à la phase où elle cesse de monter ; plus la vraie gloire vient au naïf et grand vieillard dont la carrière artistique, aussi humble et noble que celle du père Franck, connut toutes les entraves et les pires haines, celles imméritées, et celles — du reste qui ont leur consolation en soi — de la libre pensée sectaire contre le catholicisme. Bruckner eut à vrai dire une population presque entière contre lui, les catholiques à Vienne comme ailleurs ne bougeant jamais pour la défense de l’un d’entre eux : il n’eut de

  1. À Bruxelles, M. Isaye vient de donner la IXe.