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Je sais bien que certains catholiques, visant l’intérêt de la société à ce que les citoyens soient instruits, reconnaissent à l’État le droit de forcer les parents à donner l’instruction à leurs enfants, et si les écoles, toutes les écoles, offraient des garanties suffisantes, peut-être beaucoup consentiraient-ils, tout en maintenant en principe leurs répugnances, à les faire fléchir en fait. Je sais notamment que les catholiques allemands ne se sont jamais déclarés les adversaires de l’instruction obligatoire, et que feu l’évêque de Mayence, Mgr de Ketteler, s’y est montré favorable. Il a même admis que l’État était qualifié pour forcer les parents qui ne peuvent ou ne veulent pas procurer par d’autres moyens cette éducation à leurs enfants, à profiter de l’école publique ; seulement il a ajouté : « supposé, bien entendu, qu’elle soit en harmonie avec les convictions religieuses et avec la conscience des chefs de famille[1] ; » et, quand il a tracé ces lignes, il a certainement considéré qu’il en était ainsi en Allemagne de l’école officielle. Mais cette situation subsistera-t-elle toujours ? Y a-t-il chance qu’il en soit de même ailleurs, et que de telles garanties, une fois accordées, ne soient pas tôt ou tard retirées ? Il faut bien le reconnaître : c’est la crainte contraire, parfaitement justifiée, qui prévaut chez les catholiques, et, à vrai dire, l’instruction obligatoire ne rencontre pas de plus grands obstacles qu’une telle perspective.

Je dis que cette crainte est justifiée, car le programme de ceux qui préconisent aujourd’hui l’instruction obligatoire ne s’arrête pas à l’obligation ; il comprend la laïcisation complète et absolue de l’école ; et, du coup, l’on s’aperçoit de l’intérêt qu’ils ont à nous convertir à l’instruction obligatoire. Décréter en même temps l’obligation et la neutralité, ce serait pour eux deux gros morceaux à faire avaler ; combien la tâche ne serait-elle pas facilitée si elle se réduisait au second point ! Les enfants auraient déjà pris l’habitude de se rendre dans beaucoup d’écoles publiques ; cette habitude contractée, on pourrait compter sur elle pour les entraîner à suivre le même chemin que précédemment, D’ailleurs, dans les localités où il n’y aurait pas d’école libre, ou

  1. Liberté, autorité, p. 201,