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Gilgamès, ne se contenant pas de joie, fit part aussitôt de son secret à son compagnon de voyage : « Cette plante, vois-tu, Amel-Ea, est la plante fameuse qui entretient la vie. Je vais l’emporter soigneusement à Uruk et y faire participer les miens. Elle a nom : Le rajeunissement du vieillard. J’en mangerai moi aussi, afin de revenir aux jours de ma jeunesse. [1]

Là-dessus, Amel-Ea et Gilgamès partirent. Après une première étape de quarante heures, ils firent halte un moment, puis, s’étant remis en route, après une nouvelle étape de vingt heures, ils répandirent une libation. C’était aux abords du puits aux eaux jaillissantes... Gilgamès était dans le puits occupé à verser de l’eau, lorsque tout à coup, surgit un serpent, qui, d’un élan rapide, se jeta sur la plante de vie et remporta précipitamment, non sans proférer, en s’enfuyant, une malédiction. Accablé par ce coup imprévu, Gilgamès s’affaissa sur lui-même, versant d’abondantes larmes et laissant échapper de telles plaintes : « Amel-Ea, les mains me tombent de fatigue, le sang a reflué de mon cœur. Hélas ! que ne me suis-je assuré ce grand bienfait de la vie, au lieu de me laisser supplanter par le serpent ! Voici que, après une étape de quarante heures, au moment où j’ouvrais le vase pour en verser le contenu, il m’a ravi mon bien à l’improviste, et s’est approprié, à mon détriment, cette plante salutaire ! Que du moins la mer ne déchaîne point ses flots irrités contre moi, que je puisse m’en retourner sain et sauf ! [2] »

Tandis qu’il se lamentait ainsi, le bateau avait touché

  1. Tab XI, l. 294-299.
  2. Tab. XI, l.300-316.