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par des supplications et des offrandes ? Ainsi, voyons-nous encore Gilgamès et Eabani, adresser des prières à Samas, à Sin, suspendre un ex-voto dans le temple du dieu de Marad, et Samas-napistim, sauvé du déluge, offrir un sacrifice d’action de grâces... Or, de telles prières et de tels sacrifices, malgré les formes caduques qu’ils ont revêtues, ne sont-ils pas, à leur manière, une preuve vivante de cet instinct d’adoration, qui, de tout temps, a fait brûler de l’encens et pousser des cris vers le ciel ? N’est-ce pas là ce même besoin d’infini qui nous tourmente, alors que nous sortons de la lutte humaine, le corps et l’âme endoloris ?

Mais il y a plus encore : ces mêmes hommes, harcelés sans cesse par le démon de la maladie, parfois avertis par ces coups subits qui les frappaient dans ce qu’ils avaient de plus cher, connurent cette étrange torture du condamné, calculant les heures qui le séparent de sa fin. Gilgamès, privé tout d’un coup d’Eabani, déjà atteint lui-même d’un mal secret, goûta par avance, avec les tristesses de la séparation, l’amertume de la mort. Oh ! ce cri arraché tout ensemble à l’amitié et à la peur : « Mon ami, celui que j’aimais tant, est retourné en poussière ; moi, je ne veux point mourir comme lui... » quelle âme a jamais rendu un son plus humain ! N’était-il donc pas possible de se soustraire à cette dure fatalité ? La science n’avait-elle pas de remède à opposer à ce mal de la mort ? Gilgamès accomplit un long voyage en quête de l’arbre de vie qui devait le rendre immortel. Il avait enfin découvert la plante salutaire, et s’en revenait joyeux, lorsque, tout d’un coup, par une amère ironie, un serpent sortit la terre et la lui ravit. Hélas ! il s’était fatigué en pure perte, la science n’avait point tenu ses promesses ! Que faire, en de telles conjonctures, sinon se tourner encore une fois vers les dieux et demander