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Mais, avant d’en venir au récit détaillé de ce qu’il avait vu aux enfers, il s’emporta, dans une violente imprécation, contre Zaïdu, le chasseur perfide, et contre Samhatu, la fallacieuse courtisane, qui avait causé son malheur : « Toi, Zaïdu, puissé-je te voir abattu et sans force ! Et toi aussi Samhatu, puissé-je te voir emmurée dans la vaste prison des enfers, traquée de toutes parts, dépouillée de tes charmes, privée d’abri, gisant énervée et sans vie ! [1] »

Après avoir ainsi déversé le trop plein de son cœur, Eabani entama la description des enfers — un morceau d’une haute portée religieuse, sur lequel vécurent sans doute de longues générations d’hommes, où se trouvent exprimées les croyances du vieux monde sémitique sur la vie future, ses craintes et ses espérances ; un vaste tableau sans perspective, partagé, à la façon d’un bas-relief antique, en deux registres, où s’étage au-dessus de la foule des morts misérables, le petit nombre des bienheureux : « Mon ami, le lieu où je suis descendu est un lieu de ténèbres, la demeure d’Irkalla. C’est la maison où l’on entre pour ne plus en sortir, le chemin où l’on s’engage sans retour. Malheureux sont ceux qui l’habitent ! Privés de lumière, ils sont réduits à se nourrir de poussière et de boue. Ils sont vêtus d’ailes, à la façon des oiseaux... Jamais ils ne voient le jour, toujours ils sont plongés dans la nuit. Je suis entré, mon ami, dans cette maison et j’y ai rencontré des rois, les anciens maîtres de la contrée, ceux à qui Anu et Bel ont assuré le renom et une gloire durable sur la terre, non loin de l’abîme d’où jaillissent les eaux vives. Dans cette même maison, j’ai vu s’agiter pêle-mêle le seigneur et le noble, le pontife et l’homme puissant, le gardien de l’abîme des grands dieux, et Etana, et Ner, et Allât, la souveraine des enfers... [2] »

  1. Tab. XII. Col. (?) a, l. 1-23.
  2. Tab. XII. Col. (?) b, l. 29-47. Les l1. 48-50 qui terminent cette colonne sont très obscures à cause de leur état fragmentaire.