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« En 1589, un jeune gentilhomme breton, âgé de quinze ans, s’échappe du collége Boncourt, troque avec des juifs sa robe de chambre et ses livres de classe contre un poignard et une épée, et part seul, à pied, pour Orléans, où se trouvait alors le duc de Mayenne. Des brigands arrêtent et dévalisent le jeune aventurier. Il revient au collége, s’en échappe encore, et, cette fois, se dirige sans obstacle vers la basse Bretagne, où le duc de Mercœur soutenait le partie de la Ligue. Peu de mois après, l’enfant de quinze ans commande à trois mille hommes ; et son nom, qui est devenu un cri de guerre, fait verser le sang, allumer des incendies, ruiner les villes de la Cornouaille… La Ligue s’éteint : il disparaît un instant de la scène pour y reparaître trois ans après, faussement accusé dans la conspiration de Biron… — Ce jeune gentilhomme, cet aventurier, ce dévastateur de la Cornouaille, c’est Guy-Eder. » Tel est le thème du roman de M. Bonnelier, tel qu’il l’indique lui-même dans sa préface. Sur cette courte donnée historique, il a reconstruit, pour ainsi dire, toute la vie du ligueur breton. Son livre est donc moins un roman historique qu’une sorte de biographie embellie de développements pittoresques et de scènes dramatiques qui forment un tout assez animé.

LE MARÉCHAL DE RAIZ, 2 vol. in-8, 1834. — Héritier d’un patrimoine considérable et jouissant d’un revenu estimé à un million, le maréchal de Raiz eut bientôt dévoré presque tous ses biens par son faste et ses profusions. Il vendit et aliéna ses domaines, et ces ressources épuisées, il eut recours à l’alchimie. Ses déréglements dépassèrent toute mesure. Son manoir de Tiffauges s’était transformé en véritable caverne d’ogre ; de zélés serviteurs battaient la campagne, séduisaient ou enlevaient les jeunes filles, et surtout les jeunes garçons, qui une fois tombés dans l’antre n’en sortaient plus vivants. Ces forfaits se prolongèrent pendant plus de dix ans ; mais enfin la clameur publique dénonça l’infâme assassin, le vampire de l’enfance bretonne. Raiz fut arrêté, confronté à deux de ses complices, confessa ses crimes effroyables, fut condamné à mort, et subit son supplice sur la prairie de la Madeleine, près de Nantes, le 25 octobre 1440. Tel est le personnage choisi par M. Bonnelier pour le héros de son roman. Il a envisagé le maréchal de Raiz comme une sorte d’énigme physiologique et psychologique, et en a trouvé le mot dans une monomanie. Tigre voluptueux, dès la première fois qu’il pressa une biche timide, Raiz céda au fatal besoin de lui enfoncer ses griffes et de faire couler le sang. Ainsi périt Anna Keranna ; Catherine de Thouars paraît menacée du même sort, et si elle y échappe, elle doit son salut à un double prodige que nous tairons pour ne pas nuire aux émotions des lecteurs, lorsqu’ils en seront aux chapitres intitulés : l’Alcôve des noces, et Si j’y viens,