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quelle des talents séducteurs s’unissaient aux grâces les plus touchantes, parut dans le voisinage ; une sorte de mystère l’environnait ; et à travers des habitudes d’élégance inconnue en province, on remarquait des discours singuliers et des disparates étranges. Cette femme séduisante était la célèbre actrice Rosalba ; ennuyée de Madrid, elle avait imaginé de donner à ses plaisirs le piquant de la nouveauté, en jouant pendant quelques semaines le rôle de dame de paroisse. Ce caprice était un jeu pour elle ; mais le pauvre Alphonse, éperdu, enivré d’amour, faillit mourir de douleur, lorsqu’après avoir été comblé de faveurs qu’on avait malicieusement réservées pour la veille du départ, il apprit que l’enchanteresse avait disparu pour jamais. Rien de plus vif, de plus voluptueux que les détails des scènes d’amour entre Alphonse et Rosalba ; peut-être même ces détails sont-ils un peu trop vifs. De douces consolations ramenèrent le calme dans l’âme d’Alphonse, qui partit pour la Nouvelle-Espagne, pour y recueillir la succession d’un de ses oncles. Peu de temps après son arrivée à Mexico, un incident le força de passer à Manille. Surpris par une tempête affreuse, Alphonse n’a que le temps de se jeter avec deux matelots dans une chaloupe, qui vint de briser sur les côtes d’une île déserte. Les naufragés s’arrangent de leur mieux, et se mettent à construire une barque pour tâcher de regagner la côte espagnole. Lorsque la barque fut achevée, et qu’après y avoir transporté les choses nécessaires, on voulut se placer dedans, on s’aperçut qu’elle ne pouvait contenir que deux personnes. Quel est celui qui se dévouera pour les autres ? On tire au sort, et le sort condamne Alphonse à voir partir sans lui ses compagnons, qui, peu de temps après, furent engloutis dans les flots. Resté seul, Alphonse luttait courageusement contre sa destinée, lorsqu’un jour, en se rendant au bord de la mer pour y ramasser des coquillages, il aperçut les débris d’un canot d’une construction singulière, et non loin de là une femme évanouie sur la plage. Le costume de cette femme, quoique bizarre, avait de l’élégance et de la grâce ; c’était une jeune insulaire de l’île d’Otaïti, que la tempête avait jetée sur cette côte au moment où elle allait s’unir au souverain d’une île voisine. À son réveil, la vue d’Alphonse lui causa beaucoup d’effroi ; elle s’enfuit dans la profondeur du bois, et pendant sept jours elle déjoua les poursuites et les innocentes ruses du solitaire ; mais enfin, épuisée de fatigue et de faim, elle fut obligée de se rendre à Alphonse, qui la conduisit dans sa demeure. Ici commencent les amours de l’exilé avec sa charmante compagne, qui, de la défiance passa bientôt au plus tendre attachement. Dès lors, il donna tous ses soins à l’éducation de cet enfant de la nature, qui reçut de lui les premières notions de la religion et de la morale. Dans sa