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talent, et il en fait preuve dans le voyage guerrier de la sylphide ; mais c’est un talent que les âmes honnêtes ne sont pas tentées de lui envier, après avoir lu la plupart de ses productions. Dans celle-ci, c’est encore la vertu qui est malheureuse et le vice triomphant. Il est vrai que l’auteur affiche contre ce résultat une colère très-honorable ; mais on s’aperçoit tout de suite qu’il s’en est consolé depuis longtemps, à voir tout ce qu’il donne au vice et tout ce qu’il enlève à la vertu.

ATAR-GULL, in-8, 1831. — Après avoir reculé devant la tâche d’analyser le roman de la Salamandre et celui de la Vigie de Koat-Ven, peut-être sera-t-on surpris de nous voir entreprendre celle du roman d’Atar-Gull, que l’on peut classer dans la même catégorie. Nous étions, en vérité, bien tenté de nous dispenser de faire connaître avec quelques détails cette production ; mais on nous fait observer qu’il faut bien que le genre adopté par M. Sue soit du goût de quelques personnes, puisqu’il trouve des lecteurs, et que, ne fût-ce que pour ceux-là, nous ne pouvons nous dispenser d’analyser Atar-Gull. Notre publication ayant pour but de contenter la curiosité de toutes les classes de lecteurs, nous allons, pour la satisfaction de ceux qui aiment le genre de M. Sue, indiquer en peu de mots le sujet de ce roman. — L’attention se divise sur quatre personnages principaux. Le premier est M. Benoît, capitaine et propriétaire du brick la Catherine, honnête négociant, de mœurs douces, bon père, bon époux, incapable de faire le moindre mal à son prochain, qui fait le commerce du bois d’ébène (la traite des noirs), qu’il va prendre sur la côte d’Afrique et qu’il transporte aux Antilles. À peine a-t-il complété son chargement, qu’il est accosté par le pirate Brûlart, le second acteur du drame, terrible figure, dont la création appartient tout entière à M. Sue, qui a trouvé pour la peindre des couleurs sanglantes que nous renonçons à reproduire. Brûlart confisque à son profit le brick et la cargaison de M. Benoît. Dans cette cargaison se trouve Atar-Gull, jeune et beau nègre, qui devient l’esclave du colon M. Will, lequel, pour se débarrasser d’un capital improductif et retirer une partie de sa valeur, a dénoncé pour un crime supposé un vieux nègre que l’autorité condamne à mort. C’était le père d’Atar-Gull. Celui-ci s’attache à M. Will, remplit avec empressement tous ses devoirs, et finit par s’installer chez lui comme esclave favori. Bientôt M. Will voit mourir sous ses yeux sa fille, sa chère Jenny, la veille de son mariage ; son gendre, sa femme ; la mortalité frappe ses nègres, ses bestiaux ; l’incendie dévore ses habitation ; enfin, presque ruiné, il quitte la Jamaïque, vient en France, toujours accompagné d’Atar-Gull, devenu son ami, son bienfaiteur ; car, à Paris, c’est le travail du nègre qui fait vivre le