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conte à un Français un crime dont il s’est rendu coupable, et le lendemain le provoque à un combat à mort, tout en l’aimant, afin qu’un seul ait son secret, lui ou son adversaire. Wolf n’a chargé qu’un pistolet, il choisit l’autre, et se laisse tuer avec un sang-froid, une volonté, une volupté inexprimables.

LA SALAMANDRE, roman maritime, 2 vol. in-8, 1832. — Mettre en scène le triomphe du mal, tel est le but que M. Eugène Sue paraît s’être proposé dans ses ouvrages. La Salamandre est une de ces productions frénétiques que l’on ne peut trop signaler à l’animadversion de toute âme honnête, dont le cœur se soulève à la lecture du récit de crimes commis pour l’infernal plaisir de les commettre. Ce livre, où le crime triomphe toujours aux dépens de la vertu, est au moins aussi dangereux dans son genre, que certains ouvrages que la pudeur défend de nommer. — L’imagination la plus délirante ne peut rien créer de plus infernal que le caractère de Szaffie, ne peut rien écrire de plus atroce que le traitement infligé par les matelots au jeune mousse Misère, de plus infernalement vrai que l’orgie des matelots de l’auberge de Saint-Michel ; ne peut rien tracer de plus saisissant que les douleurs poignantes de la pure, de la chaste et de l’aimante Alice. La description de la vie d’Orient fait un moment diversion à ces scènes d’horreurs, mais elle ne peut dédommager du serrement de cœur que l’on éprouve à la lecture de cette monstrueuse production. M. Sue possède cependant le talent de faire des hommes qui vivent, que l’on connaît, que l’on reconnaît : son marquis de Longetour, qu’il a su rendre à la fois ridicule et intéressant, est une création très-originale ; maître Lajoie, le Parisien, Bouquin, Garnier, et même le vieux Calier, sont des êtres vivants, ayant chacun leur caractère, leur individualité, leur cachet. La scène de Bouquin et du commissaire est un modèle d’observation fine et franche en même temps. Mais malgré tout le talent dépensé avec profusion par l’auteur, nous persistons à dire que son livre est une triste production. — Le sujet est en grande partie tiré du naufrage de la Méduse, publié par Corréard.

LA VIGIE DE KOAT-VEN, roman maritime, 4 vol. in-8, 1834. — En cherchant à donner au lecteur une idée du roman de la Salamandre, nous croyions qu’il n’était pas possible d’entasser plus de monstruosités qu’il s’en trouve dans ce livre. Nous nous étions trompés. M. Eugène Sue s’est surpassé dans la Vigie de Koat-Ven, que nous ne nous sentons pas le courage d’analyser. C’est bien assez d’avoir sali notre imagination par la lecture de cette nauséabonde production, sans être encore obligé d’entrer dans tous les détails de la plus profonde immoralité qui en souille toutes les pages. M. Eugène Sue est sans contredit un auteur d’un grand