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gasin de Tanger. — La seconde histoire est celle du marin breton Kernock, qui commence à quinze ans sa carrière sur un navire destiné à la traite. Un jour le capitaine tombe à la mer ; Kernock, son lieutenant, qui était entré précisément dans sa chambre au moment où cet accident arriva, n’en put donner aucune explication ; il fit intervenir la Providence, prit le commandement du bâtiment, dont il changea la destination, et l’arma en course pour son compte. Kernock fut heureux ; il fit nombre de voyages avantageux, d’où il ramena une belle fille nommé Mélie, qui l’aima passionnément, qu’il battait souvent, et à laquelle il donna de grands coups de poignard, le tout par excès d’amour. Après plusieurs combats, plusieurs pillages et incendies de navires, Mélie est coupée en deux par un boulet de canon ; mais sa mort fut très-utile à l’équipage, car son corps servit à boucher une voie d’eau, et sauva le bâtiment d’une perte imminente. Pour dernier exploit, Kernock se rend maître d’un galion espagnol qui l’enrichit ; il se retire dans sa paroisse natale, où il achète de beaux biens, et fait une fin honnête en laissant au curé une partie de ses richesses, à la charge de prier pour le salut de son âme.

LA COUCARATCHA, 4 vol. in-8, 1832-34. — La Coucaratcha est une mouche d’une espèce particulière à l’Espagne, non comme insecte, mais comme tradition populaire. Cette mouche n’est qu’intellectuelle ; elle met celui qu’elle pique en train de babil et de gaieté ; rire et conter sont les prodromes du mal, mal charmant, qui n’est connu que des peuples à imagination, à poésie. La Coucaratcha fait les Espagnols causeurs, rieurs, conteurs, spirituellement bavards ; les Espagnols sont bien heureux ! — Dans le livre de M. Sue, la Coucaratcha est une conteuse infatigable, qui entasse les personnages les plus vicieux, les plus démoralisés, selon la morale humaine. Dans cet optique, se montre tour à tour Ulrick, matelot qui tua sa mère, et que l’Océan refuse de porter ; car à peine est-il sur un vaisseau qu’il se soulève et mugit. Pour apaiser le grain et sauver son capitaine, le coupable se précipite à l’eau ; à peine est-il noyé, que le vent tombe et la mer se calme. — Les Aventures de Narcisse Gelin, ainsi que celles de Claude Belissan, sont prodigieusement plaisantes. Le premier, fils d’un bonnetier, s’embarque pour trouver la poésie ; il est pendu. Le second, pour conquérir l’indépendance d’un homme, il est mangé par les anthropophages. — Le Cheval noir et le Chien blanc est l’histoire d’un mari jaloux comme on en voit tant. — Navarin est une description riche et fidèle de ce noble souvenir. — Crao est une nouvelle dont le dénoûment est fort dramatique. — Le Remords est une pochade qui semble tracée par une femme. — Le dernier de ces contes est l’Ami Wolf, qui, à la fin d’une orgie,