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pinion légitime, braver l’opinion corrompue. Le bien, le mal sont invariables : les convenances qui assujettissent les deux sexes diffèrent entre elles, comme les fonctions que la nature assigne à chacun des deux ; mais la nature ne condamne pas l’un au scandale et l’autre à l’hypocrisie ; elle leur donne la vertu pour les inspirer, la raison pour guider la vertu, et toutes les convenances s’arrêtent devant ces limites éternelles.

Une autre partie de ce roman a été publiée sous le nom de Delphinette, ou le Mépris de l’opinion, par J. B. Dubois, 3 vol. in-12, an XII. C’est une production au-dessous du médiocre.

CORINNE, ou l’Italie, 3 vol. in-12, 1807 ; XVe édition, in-8, 1838. — Il ne faut pas toujours exiger des romans la représentation exacte de ce qui se passe habituellement dans la société, ce serait prescrire au talent des bornes trop étroites ; le privilége de la fiction est d’embellir son sujet. Le grand point à obtenir, c’est de s’élever quelquefois jusqu’au beau idéal, sans blesser les bienséances. Madame de Staël nous paraît avoir triomphé heureusement de cette difficulté, et c’est un éloge dont nous nous empressons de lui payer le tribut. Elle a bien senti que son héroïne, capable de braver les préjugés reçus par la publicité de ses affections, ne devait pas avoir été soumise aux principes d’une morale bien sévère. Elle lui a donné une éducation particulière qui, développant de bonne heure en elle l’enthousiasme des beaux-arts et l’amour immodéré de la gloire, l’a conduite enfin à sacrifier à ses irrésistibles penchants jusqu’à son véritable nom. Corinne, ainsi affranchie des principaux liens de la dépendance sociale, se trouve lancée dans le monde, parfaitement libre de se livrer à toutes les impulsions de son génie. Improvisatrice admirable, poëte inspiré, actrice sublime ; la peinture, la danse, la musique, les connaissances les plus variées et le goût de la littérature, elle possède à un degré éminent tous les moyens de célébrité et de séduction. Si une telle femme vient à aimer, on ne sera ni surpris ni choqué de la véhémence, de l’exaltation, de tout l’éclat enfin qui signalera son attachement. Brillante de jeunesse et de beauté, conduite sur un char de triomphe au Capitole, où elle va recevoir la couronne immortelle due aux talents et au génie, c’est au milieu de la pompe, du tumulte et de l’ivresse de cette fête éclatante, qu’elle frappe les regards et le cœur de celui qui doit partager avec elle et les enchantements et les infortunes d’une grande passion. Cette exposition dramatique et pittoresque, en plaçant le principal personnage dans le plus beau jour, lui imprime le grand caractère qui le distingue, et, à cet égard, les convenances de l’art ne sauraient être mieux remplies. Mais cette femme consacrée pour ainsi dire à l’admiration publique, dégagée de presque