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suborneur qu’un mouvement d’orgueil lui a fait préférer ; dépouillée de sa fortune ; une seconde fois parjure par vanité envers un autre amant non moins tendre, non moins généreux, que sa trahison conduit aux portes du tombeau ; repentante et brûlant à son tour pour cette victime de ses caprices lorsqu’il n’est plus temps ; perdue dans le monde, malheureuse dans la retraite, l’infortunée ouvre enfin les yeux, se corrige, mais trop tard, et paye de tout son bonheur les vertus qui auraient pu la rendre heureuse si elle les eût pratiquées plus tôt. Tel est en peu de mots le fond de cet intéressant ouvrage, dans lequel les événements se succèdent avec clarté et rapidité, où la vraisemblance est presque toujours observée, et dont le dénoûment est surtout filé avec une telle adresse, qu’il est presque impossible de le prévoir, et qu’il laisse jusqu’à la dernière page l’esprit du lecteur dans l’incertitude et dans une douce impatience.

AGNÈS DE FRANCE, 3 vol. in-12, 1821. — Cette conception se distingue par le choix important du sujet et par l’art avec lequel il est traité. Variété piquante de caractères, peinture originale et fidèle de mœurs, intérêt dramatique soutenu dans les situations et les événements ; enfin toutes ces parties essentielles, embellies du charme d’un style sans négligence et sans affectation, souvent naïf, quelquefois élevé, et toujours élégant, telles sont les qualités brillantes qui distinguent éminemment ce roman historique, où la fable et le roman sont fondus ensemble avec autant de talent que de bonheur.

BLANCHE D’ÉVREUX, ou le Prisonnier de Gisors, 2 vol. in-12, 1823. — Blanche d’Évreux, princesse de Navarre, jeune, belle et sage, fut amenée en France en 1349 pour épouser le duc de Normandie, depuis le roi Jean. Devenue veuve en 1351, non de l’époux qui lui était destiné, mais du vieux Philippe de Valois, père de cet époux, comme lui enclin à l’amour, et que le sien conduisit au tombeau, la jeune reine, alors enceinte, se retira à la campagne, et y mit au monde une fille qui joue dans le Prisonnier de Gisors un rôle particulier. C’est aux dames à nous dire s’il est possible que le seul pouvoir de l’imagination puisse donner à un enfant d’autres traits que ceux de son père, c’est à elles de prononcer sur la ressemblance de Jeanne avec le fatal inconnu. Pareil moyen a été mis en œuvre dans le roman de Chariclée ; mais dans le roman de Mme Candeille, les nombreux incidents amenées par cette ressemblance, d’ailleurs traitée avec une extrême délicatesse ; le caractère atroce, mais original, du téméraire Rabaudanges ; celui du jeune Ludgard, le plus discret des pages ; celui du vieux concierge, qu’on voudrait revoir plus souvent parce qu’il égaye toujours la scène ; celui même du prisonnier, et