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trouve la moralité du livre : c’est que, pour être sage, pour être heureux d’on ne sait quel bonheur négatif, il faut s’être fait cadavre.

LE SECRÉTAIRE INTIME, 2 vol. in-8, 1833. — En lisant Indiana, Valentine, toute le monde a pensé que c’étaient là deux brillants plaidoyers contre le mariage. Dans ce livre, l’auteur se défend d’avoir eu cette intention ; et vraiment on peut le croire, car il semble avoir composé le Secrétaire intime tout exprès pour prouver l’excellence d’un mariage bien assorti. Dans le Secrétaire intime, il y a une femme mariée qui aime son mari, qui est heureuse en ménage ; c’est la princesse de Cavalcanti. Mais comment a-t-elle trouvé le bonheur dans le mariage ? Le voici : elle a épousé secrètement un jeune bâtard allemand nommé Max. Le mari demeure une partie de l’année à Paris, éloigné de sa femme ; et quand il vient dans le lieu qu’elle habite, il y prend le costume d’un étudiant, vit à l’auberge et passe son temps pendant le jour comme il peut. La nuit lui rend ses droits d’époux ; mais tout le long du jour la princesse est libre, et elle use largement de sa liberté. — Ce livre est une fantasmagorie brillante, l’histoire creuse et stérile d’une abstraction ; il n’y a pas de ces passions vraies, de ces caractères naturels, de ces figures naïves et franches qui ont assuré le succès de Valentine et d’Indiana.

JACQUES, 2 vol. in-8, 1834. — Jacques est un homme de trente-cinq ans, qui épouse Fernande, une jeune fille de seize ans dont il est fort amoureux et à laquelle il a su inspirer le même sentiment. Mais comme il arrive souvent, l’un des deux aime avec plus d’illusions, d’ardeur, de vivacité ; l’autre avec plus de calme, de mélancolie, moins de confiance dans l’avenir. L’un aime plus fort, l’autre plus longtemps ; et puis l’ardeur de l’amour se fatigue, se ralentit ; les contrariétés arrivent, les grains de sable de la vie matérielle troublent la surface si belle, si unie d’un lac bien pur et bien beau ; et puis les différences que l’on apercevait d’abord à la loupe grossissent et s’élèvent, et séparent les deux époux quand l’un a encore de l’amour, et que l’autre n’a plus que de l’estime. Le mari délaissé quitte sa femme, et va chercher une mort qu’il trouve loin d’elle ; mais en mourant il se dévoue à son bonheur, il désire qu’elle soit heureuse par un autre, puisqu’elle ne peut plus l’être par lui. Depuis longtemps il a eu la révélation de son malheur ; il sait que sa femme aime ; il n’est pas dupe, mais à ses yeux il veut l’être et le rester toujours, il ne pardonne à son rival qu’à cette condition. Quand, fatigué de la vie, il couronne le bonheur des deux amants par un suicide qui les fera renaître au monde, que de soins il prend pour que la catastrophe ne soit, pour Fernande, qu’un accident involontaire, pour qu’elle le