Page:Revue des Romans (1839).djvu/670

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


plante tombée là, ce fut bientôt toute une histoire, tout un poëme pour le pauvre captif ; il n’est plus seul ; il a quelque chose à aimer, à secourir, à étudier ; il a sa fleur bien-aimée, son enfant venu du ciel, Picciola ! Picciola grandit, sa taille devient élégante et svelte, puis bientôt sa fleur jeta au loin son haleine embaumée : ce sont là autant de ravissements inexprimables pour Charney. Un jour, Charney près de sa fleur ou plutôt près de sa maîtresse, s’aperçoit tout à coup qu’elle est triste et languissante. Qu’a-t-elle dont Picciola ? Ô douleur ! elle se meurt. Alors vous auriez vu Charney le sceptique se jeter à genoux et prier Dieu ! Charney le conspirateur, se jeter à genoux et crier : Vive l’empereur ! Ce qu’il n’a pas fait pour lui, il le fait pour Picciola qui se meurt. La plainte du captif arriva à temps aux pieds du maître. L’impératrice Joséphine, en lisant cette prière en faveur de Picciola, se rappelle alors ces belles fleurs qu’elle aime ; elle se transporte en idée à la prison de Fenestrelles, entre les deux pavés où languit Picciola. Et l’empereur, qui pourtant n’aimait guère ces petits accès de sentiment, en faveur de Joséphine, fit élargir la prison de Picciola. Plus tard l’empereur rendit aussi la liberté à Charney. — Bah ! Dit-il, il y a là dedans un botaniste tout au plus, et non pas un conspirateur. Charney, rendu à la liberté, emmena avec lui sa plante et son geôlier. — Il a fallu à l’auteur de Picciola autant de courage que de talent pour oser entreprendre de nous raconter une histoire d’une simplicité si grande qu’on ne saurait le dire. Et cependant que de douces larmes, que d’intérêt dans ce charmant récit !

Séparateur

SALABERY
(Ch. M. d’Yrumberry, comte de), né à Paris en 1766.


LORD VISEBY, ou le Célibataire, 2 vol. in-12, 1808. — Lord Milford, nom que portait le héros de ce joli roman avant que l’acquisition d’un titre lui eût fait prendre celui de Wiseby, avait vu les auteurs de ses jours, malheureux par leur union, s’éloigner volontairement l’un de l’autre. Cet exemple d’antipathie conjugale avait jeté dans son cœur les germes d’une profonde aversion pour l’hymen, et l’âge n’avait fait que fortifier en lui cette idée, acquise dès l’enfance. Après avoir visité la France, l’Allemagne et l’Italie, Milford se lie avec le comte Victor Legris, qu’il accompagne en Espagne, où bientôt les deux amis sont forcés de se quitter. Milford rencontre à Pampelune le marquis d’Azémar, sexagénaire marié à Adrienne, jolie femme de seize ans. Dès le premier moment de la connaissance, la tranquillité d’Adrienne commence à