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sa compagne, la vertueuse marquise de Couaën, qui elle-même aime Amaury, dont elle sait cependant contenir la passion. Le marquis est arrêté, conduit à Paris, où sa femme se hâte d’arriver, accompagné d’Amaury. Pendant la longue captivité de M. de Couaën, une grande intimité s’établit entre la marquise et Amaury, sans que cependant celui-ci parvienne à vaincre les austérités de la belle marquise. Pour donner le change à ses désirs, Amaury se livre à la débauche, s’y plonge tout entier, sans ivresse, sans remords, poussé par un instinct aveugle et brutal. La jeunesse d’Amaury s’écoule entre les impatiences d’un amour profané et la satiété quotidienne d’une sensualité prodigue. Amaury arrive ainsi à un troisième amour, qui lui fait expier par les souffrances de la vanité, les lâchetés qui ont déshonoré les deux autres. La femme à laquelle il s’attache est tout simplement une coquette spirituelle et sensée, moitié tendre, moitié moqueuse, qui accueille un hommage et refuse un engagement, qui traite assez légèrement l’opinion, mais qui ne voudrait pour rien se brouiller avec elle : une telle femme est destinée de toute éternité à faire le désespoir d’un amant. Amaury finit par se lasser de cet amour stérile, et veut brusquer un dénoûment ; il médite une méprisable attaque ; il ose menacer sa maîtresse, et essaye d’obtenir de force des faveurs trop longtemps désirées ! … Mais impuissant dans sa violence comme dans sa soumission, sa détestable tentative échoue contre la résistance de cette sublime coquette. Alors, épuisé de si longues luttes, Amaury, dans le découragement de ses sens blasés et de son cœur abâtardi, demande au christianisme quelques-unes de ses consolations ; il entre au séminaire, et trois ans après il reçoit les ordres. Avant de partir pour un grand voyage, il veut visiter une dernière fois le château de Couaën qu’il croit inhabité. Mais hélas ! il y trouve la marquise de Couaën sur un lit de mort ; prêtre, il la console et lui administre les sacrements. — Le titre de ce roman, le héros, la crudité des peintures, le mélange de mysticisme et de lubricité, cette odeur de sacristie et de carrefour, enfin tout cet alliage adultère de la poésie érotique et de l’inspiration religieuse, font du livre de M. Sainte-Beuve, malgré le but d’éminent moralité qu’il s’est proposé, un livre plus mauvais que catholique, plus capable d’endurcir le siècle que de le réformer, plus propre à le corrompre qu’à le corriger.

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