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dernes écrivains ; mais sur vingt histoires, romans et contes qui se publient, il y en a au moins quinze où le bourreau et le chirurgien jouent le principal rôle. — Ce qui frappe le plus dans ce roman, c’est une misanthropie vraie, une aigreur réelle contre la société ; il semble en plusieurs endroits qu’on entend Gilbert lui-même.

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SAINT-PIERRE (Jacques-Henri Bernardin de),
né au Havre le 19 janvier 1737, mort le 21 janvier 1814.


PAUL ET VIRGINIE, in-12, 1787. — Cette pastorale, d’une forme si neuve, fut inspirée à Bernardin de Saint-Pierre par l’impression de ses voyages, et par une anecdote recueillie à l’île de France. Mais cette anecdote n’offrait rien du charme que l’auteur a répandu dans son récit. C’est lui qui a créé ces deux figures qu’on n’oubliera jamais ; c’est lui qui a imaginé cette vie si simple et si pure ; c’est lui qui, réalisant les rêves de sa jeunesse, a peint le bonheur de la vertu et de l’innocence dans cette pauvre famille, rejetée loin de l’Europe par l’infortune et par le préjugé. On raconte que l’auteur lut pour la première fois son ouvrage chez Mme  Necker, où s’était rassemblée une société choisie. Là se trouvaient Buffon, Thomas, et d’autres hommes célèbres. Il commence sa lecture. M. de Buffon s’arrête avec assez de plaisir à quelques mots d’histoire naturelle ; mais la simplicité, la naïveté de ces peintures, la conception même de cette histoire, cette vieille esclave, ces deux petits enfants auxquels on veut l’intéresser, le fatiguent, et il demande sa voiture ; M. Thomas ne paraît pas moins froid ; Mme  Necker accorde à peine quelques mots d’éloges. L’auteur sort de cette lecture découragé ; depuis quinze ans il poursuivait l’espérance de faire une œuvre de génie dans sa retraite modeste. Découragé, il consulte son ami, le peintre Vernet, homme de goût selon le monde, qui n’est pas littérateur, mais qui, par son art et son génie pittoresque, est poëte ; Vernet admire ces brûlantes descriptions de la riche nature des tropiques, ces traits naïfs de mœurs, mêlés à de si vives couleurs ; il dit à Bernardin de Saint-Pierre : « Mon ami, vous avez du génie. » Cependant ce témoignage sincère et enthousiaste ne suffisait pas, il fallait des appuis, des prôneurs, un libraire enfin. L’auteur chercha longtemps ; après bien des refus, l’ouvrage fut imprimé, eut un succès populaire, et fut réimprimé de toutes parts : lettrés, curieux, ignorants, tous les esprits furent saisis du charme infini de cet ouvrage, où l’intérêt romanesque est si naïf, et la description si passionnée.

LA CHAUMIÈRE INDIENNE, in-8, 1790. — Ce charmant ouvrage