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le mérite d’un auteur n’est-il pas plutôt de dicter la loi que de la subir ?

Il Pucinella est une nouvelle napolitaine. Le comte Gaetano Danèse, grand seigneur napolitain, aimait la comtesse Afra de Flettenfeld, à laquelle il ne put faire partager sa passion. Désespérant de s’en faire aimer sous son nom, Gaetano se déguise en polichinelle, et la belle comtesse, qui avait refusé ses faveurs au seigneur napolitain, s’empressa de les accorder au polichinelle, dans un de ces lieux où M. Victor Hugo ne craignit pas un beau soir de mener un roi très-chrétien. Le lecteur nous saura gré sans doute de ne pas pousser plus loin l’analyse. Il lui suffira de savoir que le comte de Flettenfeld, qui ne partageait pas la passion de sa femme pour les polichinelles, fit assassiner le pauvre Gaetano dans le tumulte d’une mascarade.

La nouvelle de l’Homme aux madones est une histoire touchante d’un jeune peintre, qui poussa jusqu’à la démence sa religieuse admiration pour les vierges de Raphaël, et ne recouvra la raison que lorsqu’il eut rencontré dans la blonde Diana l’idéal qu’il poursuivait : amour chaste et naïf, qui pourra faire sourire plus d’une jeune femme, mais qui du moins ne la fera pas rougir. Cette nouvelle, qui fait suite au Pulcinella, est pleine de grâce et de sentiment ; on y retrouve la vie d’artiste avec ses illusions et ses mécomptes, ses joies et ses douleurs.

L’AUBERGE DES TROIS PINS. (Voyez Roger de Beauvoir.)

VENEZIA LA BELLA, 2 vol. in-8, 1834. — M. Alphonse Royer a essayé de peindre en artiste, dans ce livre, les derniers jours de la république de Venise, merveilleuse cité, dont il annonce, dans un cri de douleur, la chute totale. Venezia la Bella est un roman en forme de drame, où l’on trouve des pages intéressantes et de belles et curieuses descriptions des églises, des places, des canaux, de la mer et des lagunes. Le premier chapitre du roman est une noble et belle introduction, conçue d’une façon ingénieuse. L’auteur, placé au sommet de la grande tour du Campanile, sur la place Saint-Marc, jette un long regard sur tout le territoire vénitien qu’on découvre du haut de cette tour, depuis le canal de Mestre, qui sépare Venise de la terre ferme, depuis l’île de Santa-Chiara jusqu’à la pointe de la Dercane. Quel admirable panorama ! D’abord, arrivé au tiers de la hauteur de la tour, à travers les meurtrières qui l’éclairent inégalement, on voit à cent pieds au-dessous de soi la foule, les hommes, les femmes, les pêcheurs, les matelots, les gondoliers, le peuple de Venise, tous pêle-mêle et bien petits. En montant encore, les hommes n’apparaissent plus que comme une masse d’une seule teinte, et l’on ne voit plus qu’une ville avec ses tours et ses maisons. Au sommet de l’édifice,