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peut écouter ni voir sans souffrir. Il me semble qu’on devrait gémir d’être condamné à un travail si cruel : ceux qui s’en font un amusement doivent être bien dévorés du zèle de l’utilité publique. Pour moi, j’admire de bon cœur leurs talents et leurs travaux ; mais je remercie Dieu de ne me les avoir pas donnés. » En écrivant ces lignes, Rousseau répondait à l’avance à ces littérateurs du crime, qui aujourd’hui semblent prendre plaisir à salir l’imagination des lecteurs, en fouillant dans les annales des tribunaux pour en extraire les faits les plus atroces et les plus révoltants, et qui n’affectent un si superbe dédain pour les hommes supérieurs d’une autre époque, dont les écrits sont empreints de naturel et de vérité, que par impuissance de les imiter.

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ROYER (Alphonse).


LES MAUVAIS GARÇONS, 2 vol. in-8, 1830 (en société avec M. Auguste Barbier). — Le vieux Paris ne nous est guère connu que par de sèches analyses et de savantes compilations. Rien pour la physionomie, rien pour le pittoresque des mœurs et du langage. Faire revivre Paris au XVIe siècle, avec l’insolence de ses gentilshommes, ses abbés turbulents, ses désordonnés soudards, son luxe et sa misère, telle est la tâche qu’a entreprise M. Alphonse Royer. On sait que les Mauvais garçons étaient les bandes de bohémiens, de voleurs, de déserteurs, d’écoliers débauchés, qui parcouraient quelques provinces, et surtout les environs de Paris, en commettant d’effroyables désordres. Pendant la captivité de François Ier, leur audace s’accrut à tel point, qu’ils venaient jusqu’au sein de Paris exercer leurs brigandages, et qu’ils faisaient trembler le guet chargé de la police, lequel n’osait plus s’opposer à leurs tentatives, et fuyait à leur aspect. Leur cri de guerre était : Vive Bourgogne ! à sac ! à sac ! Il y eut à Paris une grande bataille, où plusieurs de leurs chefs furent tués ; le reste se dissipa après le supplice de Barbiton, Jean Charrot, clerc de maître Février, et Jean Lubbe, tailleur de pierres. — Le livre de M. Alphonse Royer est un tableau large et varié, qui nous montre tour à tour les écoles de l’université, la basoche et les mystères de la table de marbre ; l’hôtel royal des Tournelles, une passe d’armes dans la rue Saint-Antoine, les oubliettes de l’abbaye Saint-Germain, les salons du chancelier Duprat, des bals et des supplices, des orgies de brigands avec leur argot, le lit de mort du vertueux Briconnet, abbé de Saint-Germain des Prés, et le tableau animé par l’intérêt d’un drame coloré par un style formé à l’école de Rabelais, de Fleurange et du délicieux chroniqueur de Bayard.