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caractères de tous les membres de la famille Harlowe, la vanité insolente du frère de Clarisse, la basse jalousie de sa sœur, la rigueur impitoyable de son père, la dureté moins inexorable du frère aîné, James, l’obstination grossière du vieux marin Antony, on retrouve dans chacun de ces personnages, avec une physionomie un peu différente, les mêmes traits de famille, avarice, orgueil et ambition.

Le chevalier de Champigny a publié à Saint-Pétersbourg et à Francfort, en 1774 et en 1775, deux volumes in-8o de lettres anglaises pour servir de continuation à l’histoire de Clarisse.

HISTOIRE DE CHARLES GRANDISSON, traduit par l’abbé Prévost, 8 vol. in-12. — La même, traduction complète de l’original anglais, par G. F. Monod, 7 vol. in-12, 1756 (traduction moins élégante que celle de l’abbé Prévost, mais infiniment plus exacte et plus complète). — Richardson ayant appris, à son grand étonnement, que la générosité passagère de Lovelace, jointe à son courage et à son esprit, lui avait fait trouver grâce en dépit de ses crimes, aux yeux de la plus belle moitié du genre humain, voulut créer le beau idéal d’un homme vertueux, qui obtiendrait l’admiration par son esprit, son rang, sa figure, ses talents, son élégance, et les qualités les plus estimables qui forment le bon citoyen. Il composa l’histoire de sir Charles Grandisson. On est forcé d’avouer que, quoique l’auteur ait mis en œuvre tout son talent pour remplir la tâche qu’il s’était imposée, et quoique dans quelques parties de l’ouvrage on retrouve le même génie qu’il avait montré dans ses premiers romans, cette dernière production n’a ni la simplicité des deux premiers volumes de Paméla, ni l’intérêt profond et déchirant de l’inimitable Clarisse. — Sir Charles Grandisson possède une grande fortune ; il est d’une famille distinguée, il a le rang de baronnet ; il es estimé de tous ceux qui le connaissent ; il remplit avec une scrupuleuse délicatesse tous ses devoirs ; il possède tous les avantages extérieurs qui en imposent et attirent le respect ; il a de la magnificence, mais sa fortune excède sa libéralité ; il aime ses parents, mais le dévouement de sa famille lui ôterait jusqu’à la tentation de ne pas leur accorder de l’attachement ; sa raison domine ses passions ; son courage a été souvent éprouvé, il a toute la force et toute l’adresse de Lovelace pour affronter le péril ; il n’éprouve point de malheurs ; le seul embarras dans lequel il se trouve dans toute son histoire est d’avoir à fixer son choix entre deux femmes belles et accomplies, d’un rang élevé, d’un caractère adorable, sœurs, pour ainsi dire, par leurs perfections égales, et qui lui sont tendrement attachées. Il penche si peu pour l’une ou pour l’autre que, quelque soit son choix, l’on ne conçoit pour son bonheur