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montré dans ce roman une grande force, une grande richesse d’imagination ; son dialogue est spirituel, facile, agréable, mais ne présente aucun trait saillant, aucun éclat de passion. Ses apparitions sont les fictions ordinaires dont la superstition fournissait des milliers d’exemples dans la saison des longues nuits, lorsqu’une famille, n’ayant rien de mieux à faire, s’assemblait autour de la bûche de Noël pour entendre raconter des histoires de revenants. Écrit sans prétention, la lecture de ce livre est quelquefois ennuyeuse et fatigante, ce qui tient principalement à l’absence totale d’un caractère original saillant dans son individualité ; le récit est lourd, commun, et rempli de détails prolixes et inutiles ; mais ses détails sont précisément ceux que donnerait, dans une histoire semblable, un grand-père ou une grand’mère à un cercle assemblé autour du feu d’hiver ; et si la narration perd par là de sa dignité, si un écrivain, doué d’une plus vive imagination, aurait dédaigné de semblables détails, ils sont certainement propres à donner à l’histoire un air de réalité, et donnent à l’ensemble de la composition une couleur qui rappelle les siècles reculés de la superstition.

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RÉMUSAT (J.-P. Abel),
orientaliste, né à Paris le 5 septembre 1788, mort le 3 juin 1832.


IU KIAO-LI, ou les Deux cousines, roman chinois, traduit par M. Abel Rémusat, et précédé d’une préface où se trouve un parallèle des romans de la Chine et de ceux de l’Europe, 4 vol. in-12, 1824. — En lisant ce roman, on est frappé de la parfaite analogie qu’il présente avec tous les ouvrages de même genre que l’Europe a produits ; le choix d’un sujet principal, la combinaison des événements, le développement des caractères, la conduite de l’action, les ressorts de l’intrigue, la disposition des détails, toutes les règles de l’art, enfin, y sont observées comme dans les productions des Cervantes, des le Sage, des Fielding, etc. Indépendamment de son origine et de l’art qui a présidé à sa composition, le roman des Deux cousines est une production remarquable, en ce qu’il nous fait connaître les mœurs, les usages et les habitudes de la vie privée du plus ancien et du moins communicatif des peuples civilisés. La fable en est simple ; il n’est ici question ni de vengeances atroces, ni de dévouements extraordinaires, ni de rencontres imprévues ; c’est par la peinture des caractères, par celle des nuances les plus délicates des affections du cœur, et par celle des détails, que l’ouvrage est recommandable. Le héros des Deux cousines est un jeune homme sans parents et sans biens, nommé Iee-Yeoupe, qui attend de son goût et de ses heureux débuts dans