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l’autre. Tout, dans les Mystères d’Udolphe, est développé dans un cadre plus grand que dans le Roman de la Forêt ; l’intérêt est plus vif, les descriptions sont plus sombres, les caractères distingués par des traits plus mâles et plus gigantesques. Montoni, homme déterminé, chef de condottieri, est auprès de la Mothe et de son marquis ce qu’est un ange déchu de Milton auprès du lutin d’une sorcière. Adeline est enfermée dans un manoir en ruine ; mais Émilie est emprisonnée dans un vaste château construit au temps de la féodalité ; l’un est attaqué par des bandes de soldats mercenaires, et l’autre est seulement menacé par des officiers de police. Le paysage ne diffère pas moins : le tableau calme et borné d’une forêt contraste avec les montagnes majestueuses de l’Italie. Cependant, des personnes dont le jugement doit être compté pour quelque chose, préfèrent la simplicité du Roman de la Forêt au style plus large et plus brillant des Mystères d’Udolphe ; mais la grande majorité des lecteurs donne à ce dernier ouvrage la palme qu’il mérite réellement pour la magnificence de la description et la conception plus élevée des caractères.

L’ITALIEN, ou le Confessionnal des Pénitents noirs, trad. par A. Torelet, 3 vol. in-12, 1797. — Les libraires achetèrent le manuscrit de l’Italien huit cent livres sterling, et le public jugea ce roman aussi favorablement que ceux qui l’avaient précédé. En employant le talent qui lui était particulier, et en peignant dans un style dont on peut lui attribuer l’invention, mistress Radcliffe évita de se répéter et de se copier. Elle fit choix, dans l’Italien, du puissant ressort de la religion romaine, et par là eut à sa disposition moines, espions, donjons, muette obéissance du fanatisme, le sombre et tyrannique esprit du prêtre hypocrite, toutes les foudres du Vatican et toutes les terreurs de l’inquisition. — Un jeune homme d’une haute naissance, et possédant une fortune considérable, devient amoureux d’une demoiselle qui n’en a point, dont la famille est inconnue, et qui a la beauté et les talents ordinaires d’une héroïne de roman. La famille du jeune homme repousse l’idée d’une pareille union : l’orgueil de sa mère s’en indigne ; elle appelle à son aide le véritable héros de l’histoire, son confesseur, un père Schedoni, caractère aussi fortement dessiné, aussi détestable par les crimes qu’il a autrefois commis que par ceux qu’il est encore disposé à commettre ; redoutable par ses talents et par son énergie, à la fois hypocrite et débauché, insensible et implacable. À l’aide de cet agent, Vivaldi, l’amant, est jeté dans les prisons de l’inquisition, et Hélène, l’objet de son amour, est emmenée dans une caverne obscure, où, craignant qu’un complice ne trompe ses fureurs, le moine se décide à l’immoler de ses propres mains. Jusqu’ici l’histoire, ou au moins la situa-