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païen, amant d’une chrétienne, embrasse la religion de sa maîtresse. Dans les deux ouvrages, les deux amants sont les principaux personnages ; dans les deux ouvrages, l’amant est un des principaux appuis du christianisme, devient personnellement odieux au féroce Galérius, et, par suite de cette haine, est condamné à périr, s’il ne sacrifie aux dieux. Eudore meurt dans le cirque sous la dent d’un tigre ; Agathoclès était réservé au même supplice, mais, par une faveur spéciale, cette peine est commuée en celle de la décollation. — L’amour et la religion forment, pour ainsi dire, par moitié le sujet d’Agathoclès, s’y partagent le mérite d’intéresser, et quelquefois y sont fondus ensemble de manière à se fortifier l’un l’autre par les impressions diverses qu’ils produisent. L’amour et la religion sont mêlés dans la destinée d’Agathoclès et de Larissa ; ils règlent aussi en commun la destinée de deux autres amants, Florianus et Valérie. L’amour seul fait le sort d’un autre couple, moins touchant sans doute, mais plus brillant, le sort de Tiridate et de Sulpicie, que les sentiments de tendre amitié qu’ils professent pour Agathoclès et Larissa rattachent à l’intérêt principal. La belle et séduisante Calpurnie est un personnage fort piquant ; amie dévouée de Sulpicie, ayant pour Agathoclès dans le fond du cœur une passion qu’elle ignore ou qu’elle dissimule longtemps, faisant des folies pour prouver son amour quand elle ne peut plus se le cacher à elle-même, et, lorsqu’enfin elle apprend que cet amour ne peut être partagé, accablant des marques de sa générosité et son insensible amant et l’heureuse rivale qu’il lui a préférée. Les autres personnages secondaires sont mus par différents sentiments, tels que l’ambition, la jalousie, la haine ; et les effets de ces passions coupables ont une influence plus ou moins forte, plus ou moins directe, sur la destinée des deux principaux personnages.

Le roman d’Agathoclès est celui des ouvrages de Mme  Pichler qui a le plus contribué à la gloire de l’auteur ; il parut à la même époque que les Martyrs, et quoiqu’il n’égale pas l’ouvrage de M. de Châteaubriand, il lui fut comparé ; ce qui est déjà un grand honneur pour l’auteur.

CORALIE, ou le Danger de l’exaltation chez les femmes, 4 vol. in-12, 1820. — Coralie est une femme artiste, poëte, vaporeuse et mélancolique. Au moment où l’auteur nous fait faire connaissance avec elle, elle a déjà eu trois maris, et n’a pu trouver encore un cœur qui répondît au sien. Pour donner un aliment au besoin d’émotions qui la tourmente sans cesse, elle choisit les bains de H…, où, dans la société nombreuse que l’espoir de recouvrer la santé ou le besoin de distractions y conduit chaque jour, elle compte trouver quelque adoucissement à ses bizarres chagrins. Comme Coralie est jeune et belle, une foule d’adorateurs s’em-