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le croire pour l’honneur des femmes et aussi pour le nôtre, car l’un et l’autre se touchent un peu. Il suffit de connaître l’opinion de l’auteur sur le sexe, pour n’être pas étonné de le voir s’apitoyer sur la condition des maris ; mais bien avant lui d’autres ont recommandé à notre commisération ces maris qu’il appelle prédestinés : les savants, ils sont si peu aimables ; ils s’occupent tant de leurs livres et si peu de leurs femmes ! les banquiers, ils sont si affairés ! les médecins, ils ont tant de malades à visiter ! les vieillards qui épousent de jeunes femmes, ils sont si téméraires ! Dans la seconde partie de ses méditations, le jeune célibataire s’occupe charitablement de l’éducation de ces pauvres maris, éducation que nous devons croire bien peu avancée, si, comme il l’affirme, ils sont tous dans l’ignorance la plus profonde de l’amour et de la femme. La femme, dit-il, est un admirable solfége ; mais les maris ne savent pas le déchiffrer. Suivant lui encore, la femme est une lyre qui ne livre ses secrets qu’à celui qui sait en jouer : comparaison assurément fort jolie ; mais ce qui ne l’est pas, c’est le régime diététique, tout pythagoricien, auquel l’auteur veut que les femmes soient assujetties par ordonnance maritale ; ce sont aussi ces vilaines sangsues que, par mesure de sûreté, il recommande aux maris de faire appliquer fréquemment à leurs femmes. Au reste, à quoi bon ces précautions et d’autres encore que la Physiologie du mariage nous indique ? elles sont, ainsi qu’on a pu le voir, tout à fait inutiles dans le déplorable système de l’auteur ; elles le sont également dans le nôtre, car nous sommes très-convaincus que le plus sûr moyen de n’être pas trompé par les femmes, qui, on le sait, se piquent toutes de générosité, c’est d’avoir en elles une confiance sans bornes. Or, l’inutilité des précautions une fois reconnue, on demande à l’auteur comment l’idée a pu lui venir de composer son bizarre ouvrage. — En résumé, ce livre est une macédoine de saveur mordante et graveleuse, dans le goût drolatique, où l’auteur rajeunit à la moderne un sujet usé, sans échapper toutefois à des plaisanteries devenues vulgaires. La morale scrupuleuse en est exclue dès le titre ; et il n’en faut pas parler. Cependant certains côtés délicats et sensibles auraient pu être touchés avec plus d’art ; mais l’écrivain, pur épicurien, n’y est pas arrivé encore. Ainsi, plus tard dans le conte du Rendez-vous, M. Balzac nous peindra Julie d’Aiglemont au retour de cette soirée brillante où elle a reconquis, à force de coquetterie et de triomphes, la fantaisie passagère de son mari ; il nous la peindra cédant une dernière fois par bonté et par calcul à l’égoïste faveur dont M. d’Aiglemont l’honore ; puis tout aussitôt, dès qu’elle se retrouve à elle, nous la voyons sombre, sur son séant, dans le lit conjugal, près du mari endormi, rougissant et pleurant, comme d’un crime,