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gination et la verve dramatique qui ont distingué si éminemment les premiers essais de l’auteur de Clara Gazul. On reconnaît ce talent impétueux et toujours original, mûri cette fois par de profondes études sur l’histoire et sur l’homme. Un dialogue vif et vrai transporte le lecteur, et comme à son insu, dans les temps et les lieux les plus étrangers à ses mœurs et à ses habitudes.

La famille Carvajal est un poëme terrible, d’un haut mérite, qui ne ressemble pas mal aux écorchés de Géricault.

CHRONIQUE DU TEMPS DE CHARLES IX, 1572, in-8, 1829. — L’auteur de cet ouvrage n’a point eu l’intention d’écrire le récit des événements politiques de l’année 1572 ; il a même évité avec soin d’empiéter sur le terrain de l’histoire, en donnant des rôles dans son roman à des personnages dont la vie est trop connue pour qu’il soit permis d’y changer ou d’y ajouter quelque chose. Le seul but qu’il se soit proposé a été de tracer une esquisse des mœurs des Français sous le règne de Charles IX, époque où la civilisation n’avait pas encore détruit la source des passions énergiques. — Les deux figures principales, Bernard de Mergy et Diane de Turgis, sont dessinées avec une rare habileté. L’amour naissant du jeune aventurier, timide et embarrassé, honteux de sa gaucherie et fier de ses espérances, contraste bien avec celui de la comtesse rompue aux intrigues de cour, trouvant dans un soldat de fortune le même charme et la même nouveauté qu’un malade à respirer l’air pur et paisible des champs ; prenant pour elle le rôle qu’il ne saurait pas remplir, attaquant au lieu de défendre, essayant, pour le forcer à la victoire, les plus vives agaceries et les colères les plus habiles ; puis, bientôt à bout de ses ressources, fatiguée d’une guerre de buisson sans défaite et sans triomphe, changeant de tactique, et seule avec son ennemi qu’elle poursuit pour se donner à lui, profitant de l’ombre et du silence pour redoubler son impatience et ses désirs, renversant les flambeaux et de son poignard coupant ses lacets ; le type de Diane résume les portraits des dames galantes, que nous a laissés Brantôme. Son caractère, malgré son apparente virilité, n’est cependant pas dépourvu d’intérêt poétique. Dès les premières pages, on comprend qu’elle n’a jamais connu d’amour comme celui de Bernard ; jusqu’alors elle n’avait été aimée que pour sa beauté, et elle entrevit dans les empressements respectueux de Mergy une affection plus pure et plus élevée, et sans savoir si elle est capable d’éprouver un pareil sentiment, elle est fière de l’inspirer, et se résigne à faire la moitié du chemin pour amener à elle son timide antagoniste. Quand Mergy veut la quitter, et qu’après avoir vainement essayé de convertir son amant, elle tente de le retenir, quand elle l’étreint dans ses bras, l’auteur s’élève aux accents les