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ouvrage, digne quelquefois de l’auteur du Moine. Une pensée éminemment philosophique préside au tableau qui représente les excès de la haine des deux familles puissantes, s’accusant tour à tour des crimes qu’elles n’ont pas commis, et rendant les peuples qu’elles gouvernent victimes de leur vengeance héréditaire et de leurs préventions féodales.

La seconde nouvelle, l’Anaconda, rappelle le proverbe : A beau mentir qui vient de loin. Le héros est un serpent de l’espèce du boa. Plus terrible que le monstre marin qui dévora Hippolyte, il met en fuite toute une population, et l’on ne vient à bout de ce monstre redoutable qu’en lui donnant une indigestion. Cette nouvelle, malgré quelques descriptions qu’on lit avec plaisir, nous paraît indigne de l’imagination et de la plume du célèbre auteur du Moine.

Nous connaissons encore de cet auteur : La Soirée d’été, 2 vol. in-12, 1802. — Les Orphelins de Werdenberg, 4 vol. in-12, 1809. — Le Brigand de Venise, 2 vol. in-12, 1821. — La Fenêtre du grenier de mon oncle, in-12, 1821.

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LEZAY MARNÉZIA
(Charles Antoinette de Bressey, marquise de), morte en 1785.


LETTRES AMOUREUSES DE JULIE À OVIDE ET D’OVIDE À JULIE, in-12, 1753. — C’est un petit roman historique et galant, c’est-à-dire, un petit roman qui falsifie très-agréablement l’histoire, et qui dénature les caractères avec grâce. L’exil d’Ovide sert de base et de catastrophe à ce roman : on sait que le chantre des amours fut relégué, par un ordre d’Octave, sur les bords septentrionaux du Pont-Euxin, loin du doux pays d’Ausonie et de la Grèce, dans un séjour affreux pour un Italien délicat, accoutumé aux délices de Rome et au soleil du plus heureux climat ; mais on ignore quelle fut la cause de cette disgrâce. Madame Lezay Marnézia suppose qu’Ovide, en cherchant à voir Julie, pénétra jusque dans le cabinet de bain de César, où il aperçut le maître du monde tête à tête avec une belle Géorgienne, et dans un état assez humiliant et assez ridicule, où il devait être bien fâché de se trouver, et encore plus d’être surpris. L’auteur a beaucoup embelli le caractère de Julie, qu’il suppose capable de quelque délicatesse dans ses amours, de Julie, qui se faisait un jeu de choisir la place publique et la tribune aux harangues pour théâtre de ses voluptés nocturnes. Il suppose aussi que Julie était veuve dans le commencement de ses liaisons avec Ovide ; mais bientôt elle épouse Tibère, et sa correspondance amoureuse paraît n’en aller que mieux ; mais aussi Tibère était un homme si détestable ! On voit que l’auteur du roman se complaît dans les infidélités que l’hé-