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Marie, amène un de ces tragiques dénoûments auquel le lecteur ne s’attend pas.

Rien n’est plus animé ni plus imposant que l’entrée en scène des personnages de ce roman ; ils sont nombreux, mais aucun n’est inutile à l’action. Tous les épisodes les plus dramatiques sont groupés dans la première partie ; dans la seconde, après avoir ému de pitié et fait frissonner d’épouvante, M. de Latouche présente au lecteur le gracieux type de femme qui a pour nom Gabrielle de Saint-Alverte : elle n’a point connu l’amour et ne le connaîtra jamais. Ces beaux dévouements, ces actions sublimes qu’inspire quelquefois une passion extrême, la jeune femme les accomplit instinctivement sans rien perdre de sa tranquillité d’âme. Elle donne sa main à Roger, afin de pouvoir, armée du titre d’épouse, essayer à sauver ce malheureux jeune homme. Marie, la pupille du père de Roger, est beaucoup plus rapprochée du monde réel ; la candeur, l’innocence, la sérénité, l’amour, respirent sur cette figure virginale. Autant par obéissance pour la volonté respectable qui a disposé de son sort, que par un sentiment facile à expliquer, Marie donne son cœur à Roger qu’elle regarde comme son futur époux, et ce faible jeune homme recule toujours devant une explication qui prévient une cruelle catastrophe. Roger se trouve donc placé entre l’attachement qu’il doit à la mère de son enfant, et l’amour qu’il ressent pour la pupille de son père, entre sa reconnaissance envers la femme qui lui a sauvé la vie, et le dévouement de la vierge qui veut lui consacrer la sienne. Le caractère de Georges Cadoudal est fortement tracé. L’auteur a dépeint fidèlement cet intrépide soldat, cet audacieux partisan qui s’obstine à guerroyer quand ses frères d’armes titrés sont sous la tente : ces manières rudes, cet héroïque sang-froid dans les plus pressants dangers, ce bras aussi prompt que le coup d’œil, ce langage morose et grondeur, tout cela était bien dans l’énergique nature du plébéien qui s’était dévoué à la cause patricienne par entraînement chevaleresque, mais qui n’en méprisait pas moins les impuissants auxiliaires que le hasard lui avait donnés. — Le dénoûment est terrible. Il faut savoir gré à M. de Latouche de la chaste réserve avec laquelle il a voilé cette catastrophe déchirante ; assez d’autres aiment à repaître leurs lecteurs de scènes hideuses de sang et de destruction.

France et Marie complète la trilogie de M. de Latouche sur la révolution française. Dans Grangeneuve, il a mis aux prises l’intelligence avec la force brutale ; dans Fragoletta, il a stigmatisé une flétrissante époque ; dans France et Marie, il a voulu montrer que le caractère était presque toujours façonné par des influences extérieures, et que les hommes qui n’ont pas en eux-