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LA CALPRENÈDE (Gauthier de Coste, seigneur de).


CLÉOPÂTRE, 12 vol. petit in-8, 1648 et suiv. ; idem, 12 vol. in-8, Leyde, 1657 ; idem, abrégé par Benoît, en 3 vol. in-12, 1789. — Le roman de Cléopâtre passe avec raison pour le chef-d’œuvre de ces grands romans avec lesquels Mlle de Scudéry se fit une si grande renommée. Malgré son énorme longueur, ses conversations éternelles, et ses descriptions qu’il faut sauter à pieds joints ; malgré la complication de vingt différentes intrigues qui n’ont entre elles aucun rapport sensible et qui échappent à la plus forte mémoire ; ses grands coups d’épée qui ne font jamais peur, et que Mme de Sévigné ne haïssait pas ; ses résurrections qui font rire et ses princesses qui ne font pas pleurer ; avec tous ces défauts, que l’on retrouve dans les romans de Cassandre et de Faramond, la Calprenède a de l’imagination : ses héros ont le front élevé ; il offre des caractères fièrement dessinés, et celui d’Artaban a fait une espèce de fortune, car il a passé en proverbe. Il est vrai que ce proverbe même prouve le ridicule de l’exagération ; mais enfin les ouvrages de cet auteur respirent l’héroïsme, quoique le plus souvent ce soit un héroïsme outré. Les romans de ce temps-là étaient écrits pour les gens du plus grand monde et du plus bel esprit ; tous les personnages qui y figuraient déguisaient, sous des noms et des conditions allégoriques, les principales illustrations de l’époque. Les interminables conversations représentent tous les merveilleux et galants seigneurs du temps sous les pseudonymes de Cléomédon, d’Alcimédon, de Tyridate ou du fier Artaban ; toutes les belles coquettes et spirituelles dames du XVIIe siècle, sous les antiques noms de Caudace, de Cynthie, de Mariamme et d’Arsinoë. Ces personnages, amplement qualifiés des titres pompeux de princes de Moritanie, d’Éthiopie et d’Arménie, de princesses des Parthes, de la Thrace et de la Chersonèse, se tiennent des discours saupoudrés d’un sel tout parisien, se font mille petites perfidies, s’a-