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dres religieux est surpris par la nuit et l’orage ; il frappe à la porte d’un château : on lui accorde l’hospitalité. Le prix de cette hospitalité funeste est de veiller auprès d’une jeune fille qui vient de mourir. Ni la voix de la nature et de la morale également outragée, ni ce caractère d’une religieuse horreur que la mort imprime à ceux qu’elle frappe, ne peuvent arrêter le plus horrible des sacriléges : le prêtre, épouvanté de lui-même, s’éloigne. Cependant la jeune fille n’était que plongée dans une léthargie profonde : elle revient bientôt à la vie. Le crime dont elle n’est point complice, retombe sur elle. L’infortunée, en devenant mère, apprend qu’elle a cessé d’être vierge. — Le nombre des personnages est fort borné dans ce roman ; cinq seulement y jouent un rôle actif : Mme de Beaumanoir, Clémence sa fille, Mme Allote, le curé du village M. Lewy, et le médecin M. Bonnet. Mme de Beaumanoir, restée veuve à vingt ans, n’a point voulu former d’autres nœuds ; sa tendresse est partagée entre Clémence sa fille et Mme Allote, l’amie de son enfance : Mme de Beaumanoir, Mme Allote et Clémence, c’étaient trois sœurs de femme qui battaient à l’unisson. Quand Mlle de Beaumanoir semble ravie à la terre, la tristesse est égale chez les deux amies qui lui survivent ; quand elle revoit la lumière, leur joie est pareille. Rien de plus touchant alors que le tableau de leur félicité, dans le tableau de M. Kératry ; la mort paraît ne les avoir désunies un moment que pour leur faire mieux goûter combien l’une était nécessaire au bonheur des deux autres. Mais bientôt Mlle de Beaumanoir met au monde l’enfant qu’elle a conçu dans les bras de la mort, et dès ce moment tout bonheur a fini pour la Tour d’Helvin. Mme de Beaumanoir ne peut résister à ce coup affreux ; elle expire au bout de quelques jours. Mme Allote, la compagne de ses jeunes années, ne tarde pas à la joindre dans la tombe, et Clémence ne leur survit un peu de temps que pour revoir l’auteur de tous ses maux, lui pardonner et lui léguer son fils, dont il est le seul appui sur la terre. — Un des caractères les plus heureusement tracés, c’est celui du pasteur Lewy ; simple curé de village, tolérant sans parler de tolérance, charitable sans faire de sermons sur la charité, n’ayant d’autre philosophie que celle de l’Évangile, où il trouve des consolations pour toutes les peines, des espérances pour toutes les misères.

SAPHIRA, ou Paris et Rome sous l’empire, 3 vol. in-8, 1835. — Le sujet de Saphira est l’amour du jeune peintre vénitien Salvini, sans autre fortune que son pinceau, sans autre noblesse que son talent, pour la fille du comte de Saint-Maur, grand seigneur de la France d’autrefois, émigré revenu dans sa patrie, remis en possession de tous ses biens et dignitaire de la cour impériale. Quoique le sujet du roman soit annoncé dès le début, on n’y