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le premier volume le conte d’une jeune femme confinée dans un vieux château par un mari brutal et jaloux. Tandis qu’elle y gémit, elle voit une nuit la première femme de cet homme qui lui apparaît avec un enfant et un jeune homme qui est son frère. Tous trois ont péri par la main du possesseur du château. Ils lui prédisent qu’elle aura le même sort, l’engagent à les suivre, la font sortir miraculeusement de sa prison ; mais bientôt son malheur la remet au pouvoir de son bourreau. Enfin elle lui échappe de nouveau ; elle épouse un beau jeune homme qu’elle aimait, et l’odieux Grimshaw, convaincu d’être un meurtrier, périt sur un échafaud. Ce conte bleu est, à vrai dire, la seule partie du roman dont on puisse supporter la lecture sans ennui. — Mademoiselle de Jenks termine son livre de la manière la plus neuve et la plus plaisante. Persuadée que cet ouvrage fera fortune, elle offre tout naturellement « de contribuer au bonheur de quelque tendre et sensible jeune homme qui se contenterait d’une félicité rurale dans une chaumière élégante du pays de Galles. » Nous ignorons si cette aimable proposition a été agréée.

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JOHNSON (Samuel),
né à Lichtfield le 18 septembre 1709, mort en 1783.


HISTOIRE DE RASSELAS, PRINCE D’ABYSSINIE, trad. par Mme  Belot, in-12, 1760 ; idem, trad. par Louis, in-12, 1818 ; idem, sous ce titre : le Vallon fortuné, ou Rasselas et Dinarbas (sa suite), par miss. C. Knigt, trad. par Mme  Mac-Carthy, 3 vol. in-12, 1817. — On peut à peine appeler Rasselas un roman, car il y a bien peu d’incidents ; c’est plutôt une suite de dialogues moraux sur les vicissitudes de la vie humaine, sur ses folies, ses craintes, ses espérances et ses vains désirs. Cet ouvrage fut écrit par Johnson, dans la solitude et dans un moment d’affliction, pour payer les dépenses des funérailles de sa mère ; le ton mélancolique qui y règne fait assez connaître la disposition d’esprit de l’auteur ; il fut composé en une semaine, et le manuscrit envoyé à l’impression à mesure que l’auteur écrivait. — L’analogie que l’on peut remarquer entre le but moral de Rasselas et celui de Candide est si frappante, que Johnson lui-même convenait que si les auteurs des deux ouvrages s’étaient communiqué leurs manuscrits, on aurait pu accuser chacun d’eux de plagiat. Toutefois, le but de ces deux ouvrages est loin d’être le même. Dans Candide, Voltaire a cherché à mettre en question la sagesse du grand régulateur de l’univers, en osant l’accuser d’impuissance devant les créatures de sa volonté. Dans Rasselas, Johnson engage les hommes à espérer dans un monde meilleur