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avait sa passion ou sa manie particulière : Kerkabon, appelé le philosophe, méritait ce titre par la douceur et l’élévation de sa morale ; Floranville, son neveu, galant un peu suranné, croyait peu à la vertu des femmes, et, à l’entendre, il avait chaque jour une raison ou deux pour ne pas en parler très-avantageusement ; Duhamel n’aimait que les livres ; quant à Freeman, c’était l’admirateur et l’écouteur en titre de Kerkabon, le chroniqueur de tous les faits et dits de la petite réunion. Leurs aventures personnelles sont en petit nombre, et de celles qu’on voit arriver tous les jours ; ils vont à la promenade, au spectacle, aux ventes de livres, visitent l’atelier d’un peintre, assistent à une fête de famille, et enfin se rendent à leur dîner du jeudi. Ces actions toutes simples sont le texte de plusieurs dissertations dialoguées sur des points de morale, de littérature, entremêlées du récit de quelques anecdotes. — Freeman, ou plutôt M. Jay, paraît avoir beaucoup lu Swift, Sterne et quelques écrivains de ce genre, du moins son livre rappelle souvent leur manière. Il y a une aventure du Luxembourg qui se placerait à côté des meilleurs chapitres de Tristram Shandi, ou du Voyage sentimental. Le bon Nicolas Freeman est assis auprès d’un arbre ; une jeune femme se place à quinze pas de lui et le regarde fixement. Ne pouvant soutenir le feu de ses regards, il tourne par degré sa chaise ; la belle suit à mesure son mouvement circulaire, et même rétrécit de plus en plus la ligne de circonvallation qu’elle trace autour de lui. Il imagine bonnement qu’elle assiége dans les règles sa personne et son cœur : elle ne veut que prendre un croquis de son hétéroclite figure, pour la placer dans un tableau de l’adoration des rois, sous le costume du grand mage. Cette scène est fort spirituellement contée. — Dans un autre genre, les aventures de Kerkabon et l’histoire de donna Elvire se font remarquer comme des récits d’un intérêt fort touchant.

Nous connaissons encore de M. Jay : Les Ermites en prison (en société avec M. de Jouy), 2 vol. in-12, 1823. — Les Ermites en liberté, 2 vol. in-8, 1824 (avec le même).

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JENKS (Mlle  J. A. M.)


ARNOLD ET LA BELLE MUSULMANE, 2 vol. in-12 (trad. par F. Soulès), 1808. — Une jeune musulmane s’étant embarquée à Constantinople sur un vaisseau français, tombe au pouvoir des Anglais, et est conduite à Londres, où Charles Arnold, contre-maître du vaisseau qui l’a prise, devient amoureux d’elle, la recommande à une dame de ses parentes, et finit par l’épouser. Voilà toute l’intrigue. Sous le nom de la nouvelle Barbe-Bleue, on trouve dans