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les secrets par lesquels on devient riche en un jour, les secrets d’État qui font mouvoir les fonds publics. Chavigny, dans cette voie de richesse, rencontre de nouveau Christophe, qui par son seul mérite et par sa seule probité est devenu, lui aussi, riche et titré ; il épouse Mlle Louise de Chabrillant, et le duc l’institue l’héritier de sa fortune et de la pairie. En face de cet honorable et solide prospérité, Chavigny voit le vide honteux creusé autour du piédestal sur lequel il s’est élevé, et il en rougit ; il voit le rôle misérable qu’il a fait jouer à cette belle et chaste fille qui s’est dévouée pour se donner à lui, et il rougit encore. Alors il fait un retour sur lui-même. Il apprend à apprécier, à admirer cette femme qu’il a livrée si jeune, si vive, si imprudente, à la corruption du monde, et qui est restée chaste malgré la séduction des grands, et qui a aimé Prosper malgré lui-même. Il lui reste à se venger, à rendre au monde mépris pour mépris ; c’est ce qu’il fait en déclarant publiquement quel jeu il a joué, et combien le monde a été sa dupe en voulant l’avilir ; puis, renonçant aux grandeurs, il redevient honnête homme, épouse Lætitia, qui n’a pas cessé d’être aussi vertueuse que belle, et se retire avec elle au village d’Ampuy. — Le Chemin de traverse est un livre qui marquera dans notre époque littéraire, et qui mérite le succès qu’a obtenu, lors de son apparition, cette brillante production.

UN CŒUR POUR DEUX AMOURS, in-8, 1837. — Les jumeaux siamois, dont la curiosité parisienne s’est occupée pendant quelque temps, ont fourni à M. Jules Janin l’idée de ce livre. Ces deux frères, si étroitement unis, lui ont rappelé deux sœurs inséparables, que l’on nommait Ritta et Christina, ou plutôt Ritta-Christina. L’histoire de ces deux sœurs, racontée par l’auteur, est fort attachante. Ritta et Christina sont vendues après la faillite d’un saltimbanque, directeur de spectacle forain, qui avait abandonné à ses créanciers sa ménagerie, dont les deux jeunes filles faisaient partie. Un Espagnol, don Martin Scribler, acheta le phénomène, et il résolut de rendre heureux le double enfant qu’il avait acquis. Les deux noms de Ritta et Christina furent remplacés par les noms d’Anna et de Louise ; elles grandirent environnées de soins et de tendresse ; elles devinrent belles et charmantes. Louise était une fière et noble beauté, Anna une douce et ravissante jeune fille. Don Martin devint amoureux de Louise, Anna fut aimée par un jeune prince russe, et le cœur des deux sœurs se laissa toucher par ces deux amours. Quelle situation plus intéressante, plus dramatique ? Deux jeunes filles en une seule. Comment séparer ce que Dieu a uni ? Comment épouser Louise et Anna sans être bigame ? Un duel a lieu entre Martin et le jeune Russe ; don Martin est blessé, le Russe retourne dans son pays, et Anna