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femme. Quoiqu’elle ne soit plus de la première jeunesse il lui reste encore assez de beauté pour séduire Saint-Clair, qui ne forme plus d’autres vœux que d’obtenir sa main. Ambroisine ne le fait pas attendre longtemps ; elle lui donne rendez-vous à minuit dans une longue galerie où ils conviennent de leurs faits ; les convenances, il est vrai, sont légèrement blessées, mais Ambroisine est bien supérieure à tous ces petits préjugés. Il y a un caractère qui frappe davantage, c’est celui d’Éléonore, femme dont les passions sont extrêmement violentes, qui se porte même aux plus grands excès ; mais elle est femme, elle est belle, et on lui pardonne en quelque sorte parce qu’elle a beaucoup aimé. — Ce roman pique vivement la curiosité et se fait lire avec intérêt : on y rencontre de temps en temps des scènes véritablement dramatiques, rendues avec force et énergie.

LE FERMIER DE LA FORÊT D’INGLEWOOD, ou les Effets de l’ambition, traduit par M. H. Villemain, 4 vol. in-12, 1818. — En ouvrant ce roman, on croit lire la description d’un tableau de l’école flamande : un vénérable père de famille est assis devant son habitation, sous un chêne antique dont le feuillage épais s’empreint des rayons mourants du soleil, et reproduit d’heureux accidents de lumière. Sa famille est groupée autour de lui ; une bible ouverte repose sur ses genoux ; il suspend un moment sa lecture pour faire part à ses enfants des réflexions qui viennent de s’offrir à son esprit. Ses deux fils, William et Edwin, sont devant lui et l’écoutent avec déférence ; Emma, sa fille, cherche à lire dans ses yeux pour mieux l’entendre. Une pipe, un pot de bière placés sur une table rustique, révèlent les jouissances habituelles du fermier, dont la demeure était l’asile de toutes les vertus. Le voyageur ne quittait jamais son humble toit sans lui désirer des richesses égales à sa bienfaisance ; heureux si tous se fussent montrés également dignes de la généreuse hospitalité qu’il leur accordait ! — Dix heures venaient de sonner à la vieille horloge sur le cadran de laquelle on avait représenté les amours de Henri II et la mort de la belle Rosemonde, lorsqu’un bruit implorant des secours se fit entendre dans la forêt. Edwin, le plus jeune des fils du fermier, courut au secours des voyageurs dont la voiture venait de se briser. On les accueillit avec la plus tendre sollicitude ; c’étaient une dame et son frère qui se rendaient à Londres. Mme Delmer avait vingt-huit ans ; dans son premier choix, le bonheur avait été sacrifié à l’opulence. Son frère Whitzmore était l’époux d’une femme à la mode, dont les caprices lassaient souvent la patience. Dès le lendemain, la voiture était raccommodée, mais ni le frère ni la sœur n’étaient pressés de repartir. Le jeune Edwin avait fait la plus vive impression sur le cœur de Mme Delmer, et Whitzmore avait été ravi de la beauté d’Emma ; il est facile d’imaginer que