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le jour même de son mariage, elle trouva le moyen de désoler son mari, en refusant absolument de passer la nuit dans ce château, dont l’ameublement antique et la vétusté la révoltaient. À tous les transports de son époux, elle répondait toujours : « Votre château de Clamsford est horrible : quelle idées d’avoir voulu y passer la nuit ! » Bon gré, mal gré, il fallut partir sur-le-champ, car la capricieuse Élisabeth menaçait de s’en aller à pied si on lui refusait une voiture. Sir Hervey devait bientôt essuyer des chagrins plus réels. En vain prodiguait-il sa fortune pour satisfaire à toutes les fantaisies de miss Chudleig, rien ne pouvait dompter son humeur impérieuse, ni mettre un frein à sa coquetterie. Abusant de la liberté que lui laissait un mariage ignoré du public, elle accueillait ou plutôt encourageait tous les hommages qu’on s’empressait de lui offrir. Un beau jours, ennuyée des remontrances de son mari, elle conçoit et exécute le projet de recouvrer sa liberté. Elle part pour Clamsfort, descend chez le vieux chapelain que la goutte retenait au lit, et tandis que le bonhomme cause avec les compagnons de voyage qu’elle a amenés à dessein, miss Chudleig feint d’avoir à écrire une lettre. Le chapelain lui offre les clefs de son cabinet, elle y entre, s’empare des registres de la paroisse, et déchire l’acte qui constate son mariage. En apprenant cette escapade, sir Hervey eut la faiblesse de s’en affliger, et même de se réconcilier avec sa capricieuse épouse qui, voulant montrer qu’elle était entièrement libre, avait fait un voyage assez long en Allemagne. Environ un an après la réconciliation, miss Chudleig donna le jour à un fils. À peine relevée de couche, elle ne garda plus de mesures ; affectant surtout de fronder l’opinion, elle se lia et se montra partout avec des femmes d’une réputation plus qu’équivoque ; mais si des extravagances aussi multipliées détachaient entièrement d’elle sir Hervey, sa beauté, son esprit, son enjouement lui faisaient chaque jour de nouveaux amis. Cependant sir Hervey, devenu comte de Bristol par la mort de son père, était tombé dangereusement malade ; aussitôt miss Chudleig chercha à s’assurer un titre et un domaine dont elle s’était privée elle-même en anéantissant l’acte de célébration de son mariage. Le comte se laissa fléchir ; il guérit, et ne fut pas plus heureux. Sa femme parvint à subjuguer le duc de Kingston, l’un des seigneurs les plus riches de la Grande-Bretagne. Alors elle fait casser son mariage par la cour ecclésiastique, et sans autre formalité, se croyant dégagée de tous liens, elle épouse le duc. La nouvelle duchesse touchait à sa trente-sixième année, mais sa beauté semblait être à l’abri des outrages du temps.

Cette seconde union ne fut pas plus heureuse que la première, et le duc se rependit bientôt de son mariage. Le chagrin abrégea